Analyse du rapport risques/bénéfices du traitement antipsychotique

Le risque d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires est de 1,4 à 2 fois plus élevé chez les patients atteints d’un trouble mental grave (TMG) qu’au sein de la population générale1. Depuis plusieurs décennies, les antipsychotiques jouent un rôle central dans le traitement des TMG, particulièrement de la schizophrénie et des troubles bipolaires. Les antipsychotiques peuvent atténuer les symptômes, prévenir les rechutes, stabiliser l’humeur, et permettre au patient aux prises avec un TMG de mieux fonctionner au quotidien. S’ils offrent des avantages importants dans la prise en charge des troubles psychiatriques, les antipsychotiques, comme tous les médicaments, peuvent aussi être associés à des effets indésirables1,2. Les effets indésirables des antipsychotiques peuvent altérer la qualité de vie liée à la santé, contribuer à l’apparition de maladies/au décès, accroître la stigmatisation et nuire à l’observance de prescriptions médicales, augmentant ainsi le risque de rechute1,2,6,10. Lors du Congrès 2023 de la Schizophrenia International Research Society (SIRS), un panel de chercheurs s’est penché sur différentes approches pour une prise en charge optimale des effets indésirables des antipsychotiques.

Le risque d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires est de 1,4 à 2 fois plus élevé chez les patients atteints d’un trouble mental grave (TMG) qu’au sein de la population générale.

Prise de poids associée aux antipsychotiques

Le risque d’obésité est deux fois plus élevé chez les patients atteints de schizophrénie qu’au sein de la population générale3. La Pre Margaret Hahn (Center for Addiction and Mental Health, Canada) a présenté les résultats d’une revue systématique Cochrane fondée sur le registre d’études en schizophrénie et portant sur l’utilisation de médicaments d’appoint pour la prévention d’une prise de poids chez les patients sous antipsychotique pour un trouble mental grave (TMG)3,4. La prise d’un antihyperglycémique (biguanide) couramment utilisé en première intention s’est avérée efficace pour favoriser une perte de poids modeste4 et est actuellement recommandée dans les lignes directrices canadiennes de pratique clinique pour l’obésité chez l’adulte4,5. La Pre Hahn ajoute que des données ont corroboré l’efficacité des agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide 1 (GLP1) pour l’obtention d’une perte de poids chez les patients schizophrènes sous antipsychotique4; cependant, leur utilisation n’est pas encore recommandée dans les lignes directrices4.

La probabilité d’obésité est deux fois plus élevée chez les patients atteints de schizophrénie qu’au sein de la population générale.

Changement d’antipsychotique

Le Pr Dan Siskind (Metro South Addiction and Mental Health Service, Australie) souligne que les antipsychotiques peuvent induire une prise de poids due à une dysglycémie et à une augmentation de l’appétit. L’ajout d’un médicament pour la prévention d’une prise de poids peut être utile, mais le Pr Siskind et son équipe ont également exploré l’impact d’un changement d’antipsychotique6.

Ainsi, les chercheurs ont mené une revue systématique et une méta-analyse de 59 études faisant état de changements quant au poids et au profil métabolique consécutifs au changement d’antipsychotique7. Ils ont constaté que le passage à un antipsychotique associé à un moindre risque de prise de poids pouvait avoir un effet favorable sur les résultats concernant le poids et le profil cardiométabolique7. En particulier, un antipsychotique atypique (AA) de 2e génération couramment utilisé ainsi qu’un AA de 3e génération ont été associés à une amélioration quant au poids et au profil cardiométabolique6,7.

Cependant, prévient le Pr Siskind, lorsqu’on envisage de changer d’antipsychotique, il importe de tenir compte des avantages/inconvénients d’une évolution favorable du poids au regard du risque d’exacerbation des symptômes psychotiques7.

Le passage à un antipsychotique associé à un moindre risque de prise de poids peut avoir un effet favorable sur les résultats concernant le poids et le profil cardiométabolique.

Influence du sexe sur les effets indésirables des antipsychotiques

Mme Bodyl Brand (doctorante, Université de Groningue, Pays-Bas) s’est penchée sur les différences liées au sexe concernant l’évolution de la schizophrénie et la réponse au traitement8. Chez la femme, l’absorption, le métabolisme et l’élimination des médicaments sont plus lents; de ce fait, la femme est exposée à un risque plus élevé de surdosage et d’effets indésirables.

Chez la femme, l’absorption, le métabolisme et l’élimination des médicaments sont plus lents; de ce fait, la femme est exposée à un risque plus élevé de surdosage et d’effets indésirables.

La pharmacocinétique d’un médicament diffère selon le sexe du patient; plus précisément, la vidange gastrique, le transit gastro-intestinal et l’élimination rénale sont plus lents chez la femme que chez l’homme8,9. C’est pourquoi les effets indésirables sont souvent plus graves chez la femme, qui est exposée à un risque de surdosage puisque les guides thérapeutiques actuels ne tiennent pas compte des différences liées au sexe8,9

Dans les troubles psychiatriques, les œstrogènes semblent exercer un effet protecteur; l’évolution de ces troubles est souvent plus favorable chez la femme non ménopausée que chez l’homme9. En outre, durant la ménopause, la baisse des taux d’œstrogènes semble entraîner une baisse de l’efficacité des antipsychotiques et une hausse du risque de rechute8. À partir de l’âge de 45-50 ans, la fréquence des hospitalisations en raison d’épisodes psychotiques est plus élevée chez la femme que chez l’homme8.

Nous avons besoin de recommandations posologiques ajustées selon le sexe pour prévenir le surdosage chez la femme.

En raison de ces différences liées au sexe quant à l’efficacité et aux effets indésirables des antipsychotiques, conclut Mme Brand, le clinicien doit être sensibilisé au risque accru de surdosage et au fardeau plus important d’effets indésirables chez la femme, et tenir compte de recommandations posologiques ajustées selon le sexe8,9.

Outils numériques pour la sélection d’un antipsychotique

Le Pr Rob McCutcheon (University of Oxford, Royaume-Uni) a présenté un outil numérique novateur conçu pour aider le clinicien à sélectionner un antipsychotique.

Il explique que l’affinité des différents agents pour certains récepteurs est l’un des facteurs contribuant à la variabilité de l’incidence des effets indésirables. Le regroupement des antipsychotiques selon leur affinité pour un récepteur nous permet de les classer en 4 groupes : les antagonistes muscariniques, les antagonistes adrénergiques/agonistes dopaminergiques partiels, les antagonistes sérotoninergiques et dopaminergiques, et les antagonistes dopaminergiques purs. Ce regroupement reflète le profil pharmacologique des antipsychotiques et permet de prédire les effets indésirables10.

Ce nouvel outil numérique s’insère dans une approche guidée par des données reflétant à la fois la classification des antipsychotiques selon leur affinité pour un récepteur et les résultats d’une revue parapluie portant sur 13 effets indésirables associés à 32 différents antipsychotiques10. Il peut aider le clinicien à cerner des options thérapeutiques personnalisées et fondées sur des données, en fonction du degré de préoccupation concernant un effet indésirable en particulier10.

Conclusion

Conjointement, les conférenciers ont passé en revue des approches fondées sur des données probantes qui peuvent guider le clinicien dans l’application des récentes lignes directrices appelant à la protection de la santé physique des patients atteints d’un TMG1,2.

 

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. Firth J, Siddiqui N, Koyanagi A et al. The Lancet Psychiatry Commission: a blueprint for protecting physical health in people with mental illness. The Lancet. 2019;6(8):675-712.
  2. Taylor DM, Gaughran F & Pillinger T. The Maudsley Practice Guidelines for Physical Health Conditions in Psychiatry. 2020. Published by Wiley-Blackwell. ISBN: 978-1-119-55420-2.
  3. Agarwal SM, Stogios M, Ahsan ZA et al. “Pharmacological interventions for prevention of weight gain in people with schizophrenia.” Cochrane Database Syst. Rev. 2022;10: Art. No.: CD013337.
  4. Presented by Prof. Margaret Hahn, “Pharmacological Interventions for Weight Gain in Schizophrenia Spectrum Disorders: A Cochrane Systematic Review and Meta-Analysis, and Contextualization within Current Obesity Guidelines,” at SIRS 2023, Toronto, Canada.
  5. Wharton S, Lau DCW, Vallis M et al. Obesity in adults: A clinical practice guideline. CMAJ. 2020;192(3):E875-891. Available online at https://www.cmaj.ca/content/192/31/E875
  6. Presented by Prof. Dan Siskind, “A Systematic Review and Meta-Analysis of the Impact of Switching Antipsychotic Medications to Ameliorate Weight Gain in Patients with Schizophrenia,” at SIRS 2023, Toronto, Canada.
  7. Siskind D, Gallagher E, Winckel K et al. Does Switching Antipsychotics Ameliorate Weight Gain in Patients With Severe Mental Illness? A Systematic Review and Meta-analysis. Schizophr. Bull. 2021;47(4):948-958.
  8. Presented by Beryl Brand, “Sex Influences on Antipsychotic Side Effects and Efficacy,” at SIRS 2023, Toronto, Canada.
  9. Hoekstra S, Bartz-Johannessen C, Sinkeviciute I et al. Sex differences in antipsychotic efficacy and side effects in schizophrenia spectrum disorder: results from the BeSt InTro study. NPJ Schizophr. 2021;7:39.
  10. Presented by Prof. Rob McCutcheon, “Novel Methods to Enhance Personalized Prescribing,” at SIRS 2023, Toronto, Canada.