Obésité et santé mentale : Passons à l’action

Un ensemble croissant de données probantes met en évidence l’association entre les maladies mentales et l’obésité. Par exemple, le risque d’obésité est plus de 4 fois supérieur chez les patients atteints de schizophrénie et 1,5 plus élevé chez les patients atteints d’un trouble dépressif majeur ou d’un trouble bipolaire qu’au sein de la population générale1. La prise d’antipsychotiques est l’une des causes principales de l’accroissement du risque.

Comment le clinicien peut-il prendre en charge le risque et les répercussions de l’obésité chez le patient atteint d’une maladie mentale?

Lors d’un symposium dans le cadre du Congrès 2022 de l’APC, le Dr Sri Mahavir Agarwal et la Dre Margaret Hahn, University of Toronto, se sont penchés sur la relation complexe entre l’obésité et les maladies mentales. Ce faisant, ils ont également examiné les plus récentes Lignes directrices canadiennes de pratique clinique pour l’obésité chez l’adulte.

Quel est le lien entre la santé mentale et l’obésité?

La présence d’une maladie mentale est associée à un risque accru d’embonpoint ou d’obésité1.

« L’association entre la santé mentale et l’obésité ou les troubles métaboliques est complexe, de nombreux facteurs pouvant y contribuer », affirme le Dr Agarwal.

Premièrement, des obstacles peuvent limiter l’accès des patients atteints d’une maladie mentale à divers choix de vie sains et entraîner de mauvaises habitudes alimentaires, une inactivité physique, une hygiène personnelle insuffisante et un tabagisme élevé.

Un deuxième facteur réside dans la disparité de l’accès aux soins de santé. « Les patients atteints d’une maladie mentale sont pénalisés dans l’accès aux soins somatiques, problème que peut exacerber le manque de coordination entre les différents secteurs du système de santé » reconnaît le Dr Agarwal.

Troisièmement, le chevauchement préexistant de facteurs génétiques des maladies mentales et de l’obésité ou du syndrome métabolique prédispose les patients à des troubles métaboliques. Par exemple, lors d’une étude récente, on a repéré un chevauchement de l’architecture génétique de la schizophrénie et du syndrome métabolique2.

Finalement, ajoute le Dr Agarwal, les médicaments utilisés en psychiatrie, en particulier les antipsychotiques, contribuent également à cette association.

Au cours des 2 dernières décennies, les antipsychotiques de 2e génération ont remplacé les antipsychotiques de 1re génération. Bien qu’ils aient réduit le fardeau des effets indésirables liés à des troubles moteurs (p. ex. symptômes extrapyramidaux) associé aux antipsychotiques de 1re génération, ces médicaments ont entraîné de nouveaux effets indésirables, notamment une prise de poids et des troubles métaboliques.

Différents facteurs contribuent à l’association entre les maladies mentales et l’obésité, notamment les habitudes de vie et des facteurs systémiques, la biologie de la maladie et les médicaments utilisés en psychiatrie.

L’obésité et les troubles métaboliques peuvent avoir des répercussions importantes sur la santé, y compris une santé cardiovasculaire précaire et le diabète.

« L’obésité et les troubles métaboliques ont un impact [négatif] non seulement sur la santé cardiovasculaire, mais aussi sur tous les domaines du fonctionnement, notamment l’observance du traitement. Les patients ne veulent pas prendre leur médicament parce qu’ils prennent du poids, souligne le Dr Agarwal. Une piètre observance du traitement entraîne à son tour une hausse du coût des soins, un désengagement du patient à l’égard de son traitement, et une baisse du rendement cognitif. »

Dans quelle mesure les psychiatres prennent-ils en charge ce problème?

« À titre de fournisseurs de soins de santé, notre prise en charge de la santé métabolique de nos patients est insuffisante », constate le Dr Agarwal.

Dans une étude portant sur le risque cardiométabolique chez 404 patients atteints de schizophrénie, bien que 56 % des patients présentaient une dyslipidémie, seuls 0,5 % d’entre eux recevaient un hypolipémiant. De plus, bien que 39,9 % des sujets souffraient de préhypertension et 10,2 %, d’hypertension, seuls 3,6 % recevaient un antihypertenseur3.

En outre, 13,2 % des patients étaient atteints d’un syndrome métabolique, et environ la moitié d’entre eux (48,3 %), d’obésité ou d’embonpoint, mais aucun patient ne recevait de traitement à cet égard3.

Étant donné l’utilisation hors indication croissante d’antipsychotiques de 2e génération4, les répercussions défavorables de l’obésité et des troubles métaboliques associés aux antipsychotiques, et le faible taux de traitement et de suivi de l’obésité et du syndrome métabolique par les psychiatres, il est crucial de définir des pratiques médicales fondées sur des données probantes pour la prise en charge de l’obésité induite par un antipsychotique chez le patient atteint d’une maladie mentale.

Le psychiatre doit prendre en charge le risque d’obésité et de troubles métaboliques chez le patient sous antipsychotique, conformément aux pratiques recommandées et fondées sur des données probantes.

Ainsi, le Dr Agarwal et la Dre Hahn ont réalisé une vaste méta-analyse Cochrane afin d’examiner les données à l’appui d’interventions pharmacologiques quant à la prise de poids induite par un antipsychotique chez le patient atteint d’une maladie mentale.

Cette méta-analyse, actuellement en cours de révision, a permis de repérer 46 études portant sur l’utilisation de 23 différents médicaments pour la prise en charge de l’obésité en présence d’une maladie mentale. Parmi ces médicaments, les 2 types dont l’utilisation est le plus largement étayée sont les biguanides et les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide 1 (GLP-1).

Onze études corroborent l’efficacité et l’innocuité des biguanides comparativement à un placebo dans la prise en charge du gain pondéral induit par un antipsychotique.

« Les biguanides ont été étudiés hors indication pour le traitement de l’obésité induite par un antipsychotique, souligne la Dre Hahn. La perte de poids est modeste. Le nombre de sujets à traiter pour obtenir une perte de poids de 5 % est d’environ 4. En outre, les biguanides sont plus efficaces chez les patients traversant un premier épisode psychotique, la perte de poids moyenne étant de 5 kilogrammes (kg). »

Cinq études appuient l’utilisation des agonistes des récepteurs du GLP-1. « Dans l’ensemble des études, ces médicaments ont été associés à une perte de poids moyenne de 5 kg. Ils ont également conduit à une amélioration de certains paramètres relatifs à la glycémie et à la lipidémie », ajoute la Dre Hahn.

Quelles sont les recommandations formulées dans les Lignes directrices canadiennes de pratique clinique pour l’obésité chez l’adulte?

Les plus récentes Lignes directrices canadiennes de pratique clinique pour l’obésité chez l’adulte (2020) incluent un chapitre traitant de la santé mentale dans la gestion de l’obésité. Ce chapitre renferme des recommandations fondées sur des données probantes destinées à aider le psychiatre à prendre des décisions éclairées concernant le traitement de l’obésité induite par un antipsychotique chez le patient atteint d’une maladie mentale.

La Dre Hahn a passé en revue plusieurs messages clés des lignes directrices :

  • Éviter l’utilisation hors indication d’antipsychotiques, car même de faibles doses de ces médicaments peuvent entraîner des effets indésirables importants sur le métabolisme.
  • Éviter les médicaments associés à un risque métabolique élevé lorsque l’on amorce un premier traitement antipsychotique.
  • Contrôler périodiquement le poids, le tour de taille, la glycémie et le profil lipidique du patient prenant un médicament associé à une prise de poids.
  • Envisager de passer à un antipsychotique associé à de moindres effets métaboliques lorsqu’un patient sous antipsychotique pour une maladie mentale sévère prend du poids.
  • Parmi les médicaments approuvés au Canada pour la gestion de l’obésité chronique et utilisés pour atténuer la prise de poids induite par un antipsychotique, les agonistes des récepteurs du GLP-1 sont les agents dont l’innocuité et l’efficacité sont le plus largement étayées.
  • Envisager l’utilisation hors indication d’un biguanide en association avec des stratégies comportementales de gestion de l’obésité pour traiter ou prévenir une prise de poids chez le patient sous antipsychotique.
  • Les stratégies comportementales de prise en charge de l’obésité (p. ex. thérapie cognitivo-comportementale [TCC], interventions en matière d’alimentation et d’activité physique) peuvent permettre une gestion efficace de la prise de poids chez le patient atteint d’une maladie mentale.

Les biguanides (hors indication) et les agonistes des récepteurs du GLP-1 (indications approuvées) sont recommandés dans les lignes directrices de prise en charge de l’obésité induite par un antipsychotique chez le patient atteint d’une maladie mentale.

Ce sont là quelques-uns des principaux messages tirés des lignes directrices de prise en charge de l’obésité induite par un antipsychotique chez le patient atteint d’une maladie mentale. Pour en savoir plus et consulter les lignes directrices, veuillez visiter le site web Obesity Canada. 

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

1.  Correll CU, et al. World Psychiatry. 2015;14(2):119-136.

2.  Lv H, et al. Psychiatry Research. 2022;318:114947.

3.  Correll CU, et al. JAMA Psychiatry. 2014;71(12):1350-1363. do

4.  Stogios N, et al. Neuropsychopharmacology: official publication of the American College of Neuropsychopharmacology.2022;47(3):664-672.