La découverte du rôle important du peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP) dans la biochimie de la migraine a été un tournant, voire une révolution, dans la recherche sur la migraine qui a conduit au développement de traitements anti-CGRP ciblés. Bien que ces médicaments aient changé la donne pour de nombreuses personnes aux prises avec la migraine, certains patients n’y répondent pas complètement, ce qui donne à penser que d’autres voies pourraient être impliquées dans la physiopathologie de la migraine. Lors d’une entrevue avec des experts dans le cadre du Migraine Summit 2024, le Dr Peter Goadsby, professeur de neurologie au King’s College London, au Royaume-Uni, et l’un des pionniers de la recherche sur le CGRP, a discuté des progrès récents et à venir dans notre compréhension de la biochimie de la migraine et de l’impact de ces progrès sur le développement de médicaments ciblés.
Rôle du CGRP dans la migraine
Le CGRP est un petit peptide que l’on trouve dans le cerveau et d’autres parties du corps et qui agit à titre de neurotransmetteur1,2. Cette molécule est surexprimée chez de nombreuses personnes aux prises avec la migraine, et les médicaments qui bloquent son action se sont révélés efficaces dans le traitement de cette pathologie1. En effet, les anticorps monoclonaux qui se lient au CGRP ou à son récepteur et les petites molécules appelées gépants qui font compétition au CGRP dans le processus de fixation sur le récepteur sont très efficaces pour traiter ou prévenir les crises migraineuses chez un nombre substantiel de personnes3. Les triptans exercent aussi une action sur la voie du CGRP en réduisant la quantité de CGRP libérée par certains nerfs2.
Le CGRP est un petit peptide qui peut jouer un grand rôle dans la migraine
Efficacité du blocage de la voie du CGRP
Malgré son rôle reconnu dans la physiopathologie de la migraine, l’inhibition du CGRP ne donne pas les résultats escomptés chez toutes les personnes aux prises avec la migraine3. Il y a en fait une hétérogénéité considérable dans la réponse inter-individuelle et intra-individuelle à l’inhibition du CGRP2,3. Dans les essais cliniques, les chercheurs ont enregistré à 3 mois les résultats suivants chez les patients avec migraine épisodique : réduction ≥ 50 % de la fréquence des crises migraineuses chez environ la moitié des patients; réduction ≥ 75 % chez le tiers des patients, et réduction de 100 % chez environ le cinquième des patients4-7. Cela dit, souligne le Dr Goadsby, les anti-CGRP n’ont eu qu’un effet bénéfique limité ou nul chez environ le quart des patients. « Il nous faut donc faire plus. »
Les inhibiteurs du CGRP ont changé la donne chez certains patients aux prises avec la migraine, mais ils ne sont pas efficaces chez la totalité des patients.
La très faible fréquence d’effets indésirables est l’un des grands avantages des inhibiteurs du CGRP2; ainsi, en général, les personnes qui répondent bien à cette stratégie de traitement ne sont pas pénalisées sur le plan de l’innocuité. Bien que le CGRP soit très largement distribué dans l’organisme (p. ex. dans le cerveau, les follicules pileux et l’appareil digestif), l’incidence des effets indésirables résultant de son blocage est assez faible2. Les réactions au point d’injection et la constipation sont les effets indésirables les plus fréquents4,5, mais il est plutôt rare que ces effets entraînent le retrait de l’étude et, par conséquent, ils n’auraient pas d’effet limitant sur le traitement7. Le Dr Goadsby a conclu en disant que les anti-CGRP sont efficaces chez de nombreux patients et qu’ils sont bien tolérés chez la plupart.
La physiopathologie de la migraine est complexe
La réponse incomplète à l’inhibition du CGRP chez certains patients migraineux et l’absence de réponse chez d’autres semblent indiquer que le CGRP ne joue pas un rôle important dans tous les cas de migraine – ou dans toutes les crises migraineuses chez une même personne2. Selon le Dr Goadsby, d’autres facteurs pourraient contribuer à la réponse incomplète à l’inhibition du CGRP, notamment des enjeux liés à la pharmacocinétique (p. ex. acheminement du médicament à la cible visée) et la biochimie changeante des crises migraineuses au fil du temps (p. ex. d’autres peptides pourraient être prédominants dans les crises migraineuses lorsque le CGRP est inhibé). Étant donné la complexité du tableau clinique et de la biochimie des crises migraineuses, lesquels peuvent varier d’un patient à l’autre et chez un même patient, il est important que les cliniciens adoptent une approche personnalisée dans la prise en charge de la migraine et que cette approche puisse être adaptée à chaque crise migraineuse chez ce patient. À cette fin, le Dr Goadsby croit à l'importance d’une boîte à outils bien garnie pour que le clinicien puisse traiter un vaste éventail de crises migraineuses et que son choix de l’outil thérapeutique approprié puisse reposer sur divers biomarqueurs.
Nous avons besoin d'autres outils dans l’arsenal thérapeutique contre la migraine
D’autres peptides dans le traitement de la migraine à l’horizon
Le succès des anti-CGRP – depuis la recherche en laboratoire jusqu’au chevet du patient – a injecté un enthousiasme renouvelé dans la recherche sur la migraine. Aujourd’hui, les scientifiques se tournent de plus en plus vers d’autres peptides impliqués dans la physiopathologie de la migraine qui pourraient devenir des cibles thérapeutiques. L’un de ces peptides est le polypeptide activateur de l'adénylate cyclase hypophysaire (PACAP), petit peptide libéré par les nerfs dans les régions du cerveau connues pour participer aux crises migraineuses8,9. Les premiers résultats des essais cliniques donnent à penser que les anticorps monoclonaux ciblant le PACAP peuvent réduire efficacement la fréquence des crises migraineuses8,9. Comme les anti-CGRP, les inhibiteurs du PACAP semblent être bien tolérés et occasionner peu d’effets indésirables9. Cela dit, prévient le Dr Goadsby, nous en sommes « aux premiers balbutiements » du développement des médicaments ciblant le PACAP, et d’autres études s’imposent pour que nous comprenions mieux le rôle du PACAP dans la physiopathologie de la migraine ainsi que le rôle des inhibiteurs du PACAP dans le traitement et la prévention des crises migraineuses.
Selon les premiers essais cliniques, les inhibiteurs du PACAP sont prometteurs
À en juger par les premières observations, on constate que les inhibiteurs du PACAP n’influent pas seulement sur la fréquence des crises migraineuses et l’intensité de la douleur, mais aussi sur les symptômes prémonitoires ou prodromiques, signes avant-coureurs d’une crise migraineuse imminente10. Ce constat donne à penser que ces agents pourraient être des options particulièrement intéressantes pour la prévention des crises migraineuses. De même, il a été démontré que les anti-CGRP exercent un effet bénéfique durant la phrase prodromique des crises migraineuses, ce qui en fait des agents préventifs efficaces10,11. Selon les données qu’il a vues à ce jour, le Dr Goadsby a bon espoir que les inhibiteurs du PACAP seront également de bons agents préventifs. De plus, les personnes qui ne répondent pas adéquatement à l’inhibition du CGRP pourraient répondre à l’inhibition du PACAP; autre possibilité, une approche ciblant les deux peptides pourraient être efficace pour les patients dont la migraine a un profil biologique plus hétérogène9.
Plusieurs autres cibles font l’objet d’études pour le traitement et la prévention des crises migraineuses
Au nombre des autres cibles innovantes à l’étude dans la physiopathologie de la migraine figurent le glutamate, neurotransmetteur excitateur; le PAR2 (récepteur activé par la protéase – 2), médiateur de l’inflammation; les agonistes des récepteurs opioïdes delta; et l’orexine, qui participe à la douleur et aux cycles du sommeil12. Le Dr Goadsby a reconnu l’excellence du travail accompli par les biochimistes : grâce à leur découverte de nouvelles cibles pour le traitement de la migraine, des anticorps anti-CGRP et des gépants ont pu être mis au point. Il prévoit que les chercheurs continueront à repérer de nouvelles cibles dans l’avenir. « L’histoire du CGRP nous a fait réaliser à tous que oui, nous pouvons y arriver – c’est une histoire d’espoir, de réalisations et d’engagement. »
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.