Depuis quelques années, les antagonistes oraux du récepteur du peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP), appelés gépants, et les anticorps monoclonaux (AcM) ciblant le CGRP ou son récepteur font partie des agents utilisés dans le traitement ponctuel ou préventif de la migraine. Comme beaucoup d’autres médicaments, ils sont associés à une réponse variable. Généralement, les « super-répondeurs » aux AcM anti-CGRP sont aux prises avec la migraine depuis moins longtemps que les « super-non-répondeurs » et après le traitement par un AcM anti-CGRP, ces super-répondeurs n’ont pas de céphalée suivant l’exposition à un déclencheur ou l’apparition de symptômes prodromiques. Des études de cas, des études d’innocuité et des travaux précliniques ont indiqué que, dans les cas où le traitement par un AcM anti-CGRP ne permettait pas de prévenir les crises, l’ajout d’un gépant pourrait être utile. Néanmoins, des essais cliniques sur de telles associations médicamenteuses s’imposent, de même que des études comparatives directes de puissance statistique suffisante. Par ailleurs, compte tenu notamment de différences liées au sexe dans la réponse aux triptans et les effets indésirables qui leur sont associés, il faudra entreprendre des analyses stratifiées selon le sexe, l’âge, le poids corporel et le profil génétique des patients. Les Prs Hans-Christoph Diener, Institut d’épidémiologie, Université de Duisburg-Essen, Allemagne, Rami Burstein, professeur d’anesthésie et de neurosciences, Harvard Medical School, É.-U., et Antoinette Maassen van den Brink, professeure agrégée, département de pharmacologie, Centre médical de l’Université Érasme, Pays-Bas, ont abordé ces questions et d’autres encore lors de l’International Headache Congress (IHC) 2023.
“Super-répondeurs » et « super-non-répondeurs » aux anticorps monoclonaux anti-CGRP
Au cours des dernières années, des anticorps monoclonaux (AcM) ciblant le peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP) ou son récepteur se sont ajoutés à l’arsenal thérapeutique pour la prévention de la migraine1. Une étude a montré que certains patients ne répondent pas aux AcM anti-CGRP, alors que d’autres peuvent être qualifiés de « super-répondeurs ». Ces derniers sont habituellement des patients aux prises avec la migraine depuis moins d’années que les non-répondeurs. Bien que des symptômes prodromiques – notamment déficit cognitif, photophobie, fatigue et aura – puissent encore survenir après l’administration d’un AcM anti-CGRP, la probabilité qu’ils soient suivis d’une céphalée est significativement plus faible chez les « super-répondeurs » que chez les « super-non-répondeurs ». Il est aussi moins probable qu’un déclencheur – notamment perturbation du sommeil, consommation insuffisante de liquide, exposition à une forte chaleur – induise une crise migraineuse chez les « super-répondeurs » après l’administration d’un AcM anti-CGRP2.
On repère des « super-répondeurs » au traitement, mais il faudra poursuivre les travaux pour fournir un traitement aux « non-répondeurs »
Dans le cadre d’essais observationnels ouverts, on a montré qu’en cas de non-réponse à un AcM anti-CGRP, il était potentiellement bénéfique de passer à un autre AcM anti-CGRP, doté par exemple d’un mode d’action légèrement différent3. Cependant, fait valoir le Pr Diener, le remplacement d'un traitement par un autre devra faire l’objet d’essais comparatifs randomisés adéquats. De même, des études comparatives directes s’imposent, non seulement pour comparer l’efficacité et l’innocuité des traitements dans la migraine, mais aussi leur rapport coût-efficacité.
Associations médicamenteuses
Une étude de cas a indiqué que l’ajout d’un traitement ponctuel par un antagoniste des récepteurs du CGRP (gépant) au traitement préventif par un AcM anti-CGRP pourrait être bénéfique4. Des études de pharmacocinétique et d’innocuité, bien que d’envergure limitée, ont indiqué que cette association pourrait être envisageable au regard des interactions médicamenteuses5,6.
Pour évaluer l’effet possible d’une association gépant/AcM anti-CGRP, la Pre van den Brink et ses collaborateurs ont utilisé des artères coronaires humaines. Les travaux de Mme Tessa de Vries, doctorante, département de pharmacologie et de médecine vasculaire, Erasmus Medical Center, Pays-Bas, ont montré que les AcM anti-CGRP avaient un effet plafond en ce qui concerne le relâchement des parois artérielles, de sorte qu’une fois le maximum atteint, l’effet reste le même en dépit de l’administration de doses plus élevées. Cependant, l’ajout d’un gépant peut majorer le relâchement des parois artérielles7. Selon la Pre van den Brink, cela pourrait s’expliquer par l’action du gépant sur les récepteurs de l’amyline 1 (AMY1)8, laquelle s’ajouterait à celle de l’AcM anti-CGRP sur les récepteurs du CGRP, et/ou à une action possible du gépant sur les récepteurs du CGRP internalisés, sur lesquels les AcM anti-CGRP n’ont pas d’effet.
Des essais cliniques randomisés seront nécessaires pour que l’on puisse évaluer les associations gépant/AcM anti-CGRP
Des chercheurs tentent d’élucider le mode d’action des AcM anti-CGRP et des gépants. Ils ont notamment constaté que les AcM anti-CGRP pourraient bloquer l’activation des fibres Ad faiblement myélinisées des nocicepteurs méningés et, conséquemment, des neurones à seuil d’excitabilité élevé du noyau spinal du trijumeau9. Il en va autrement du mode d’action des gépants, qui atténuent l’activation précoce des fibres C amyéliniques (neurones à large plage dynamique) et l’activation tardive des fibres Ad10.
Nécessité de stratifier les effets, y compris les effets indésirables, des gépants et des AcM anti-CGRP
Dans le cadre d’une méta-analyse de données issues d’études cliniques, l’examen des résultats chez la femme et chez l’homme a permis de relever des différences liées au sexe quant à l’efficacité des triptans11. Ces observations pourraient résulter de différences dans le métabolisme et la distribution du médicament, attribuables à des facteurs comme la masse adipeuse des sujets, laquelle varie selon le sexe. Ces différences peuvent conduire à la variation non seulement de l’efficacité, mais aussi du profil des effets indésirables12. Il en va de même pour les gépants et les AcM anti-CGRP, dont la pharmacocinétique pourrait varier en fonction de facteurs comme l’âge, le sexe, le poids corporel, et le profil génétique13. Malgré cela, estime la Pre van den Brink, lors des essais cliniques sur ces traitements, les sujets n’ont peut-être pas été stratifiés selon ces facteurs, et si une analyse post hoc a été réalisée pour qu’on en examine l’effet, elle n’était possiblement pas d’une puissance statistique suffisante.
Les recherches sur les traitements pour la migraine doivent tenir compte de facteurs comme le sexe, le profil génétique et le poids
Finalement, bien que les effets indésirables survenant pendant le traitement ou conduisant à l’interruption du traitement par un AcM anti-CGRP soient habituellement comparables à ceux d’un placebo14, une étude de suivi sur les AcM anti-CGRP a attiré l’attention sur un effet indésirable grave rare, soit une hausse de la tension artérielle15. Parmi les effets indésirables potentiellement associés à l’administration d’un AcM anti-CGRP figure également une alopécie non grave, signalée dans des études de cas16.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.