Prenons les devants sur la migraine – Stratégies multidisciplinaires pour l’obtention de meilleurs résultats cliniques

Lors d’une présentation au Congrès 2024 de la Fédération des sciences neurologiques du Canada (CNSF), le Dr William Kingston, Sunnybrook Health Sciences Centre, Toronto, et Mme Shawna Kelly, Women’s College Hospital, Toronto, se sont penchés notamment sur le fardeau de la migraine, les facteurs contribuant à la chronicisation de la migraine, les objectifs différents des traitements ponctuels et préventifs de la migraine, et ont prodigué des conseils pratiques pour la prise en charge de la migraine au sein de populations particulières telles que les femmes enceintes ou planifiant une grossesse et les personnes âgées.

Fardeau de la migraine

Après avoir souligné l’impact parfois stigmatisant du langage utilisé pour parler de la migraine et l’importance des termes employés pour faire valoir les besoins des patients, le Dr Kingston et Mme Kelly ont présenté les résultats de l’étude OVERCOME. Cette étude a révélé que parmi près de 12 000 répondants non migraineux, plus du tiers avaient certains préjugés; notamment, ils croyaient que la migraine se traite facilement ou qu’elle résulte de mauvaises habitudes de vie1.

Par contraste, dans l’étude CAMEO, parmi plus de 13 000 répondants américains vivant avec la migraine, 32,7 % ont signalé ≥ 1 impact(s) négatif(s) de la maladie sur leur carrière2. Dans le cadre du sondage international My Migraine Voice, auquel ont participé 11 266 répondants de 31 pays, 85 % des personnes aux prises avec la migraine ont déclaré se sentir anxieuses, déprimées ou incomprises3.

Par ailleurs, au Canada, les coûts associés 1) à l’absentéisme dû à la migraine et 2) au nombre de patients atteints de migraine chronique (MC) se présentant à une clinique de soins des céphalées sont élevés, se chiffrant annuellement à 980 millions de $ et à 2 milliards de $, respectivement4,5.

Globalement, la migraine impose un lourd fardeau sociétal, psychologique et financier aux personnes vivant avec la migraine et à la société en général. 

Facteurs de chronicisation de la migraine

Après avoir mis en évidence les nombreux facteurs environnementaux et génétiques pouvant contribuer à une chronicisation de la migraine de l’enfance au début de l’âge adulte, le Dr Kingston et Mme Kelly ont fait valoir l’importance de mesures préventives précoces pour éviter la chronicisation à mesure que le patient avance en âge. Pourtant, ces mesures sont souvent sous-utilisées en médecine générale, possiblement en raison de facteurs tels que : erreur de diagnostic, accès insuffisant aux soins, préférences du patient, éducation inadéquate sur la maladie, manque d’aisance du fournisseur de soins quant au traitement, et efficacité sous-optimale du traitement de 1re intention. Certains facteurs de risque de chronicisation sont modifiables, notamment la consommation de caféine, l’obésité et les troubles du sommeil, alors que d’autres sont non modifiables, par exemple des facteurs génétiques, un nombre élevé de jours avec migraine par mois (JMM) au départ, et un plus faible niveau de scolarité6.

De nombreux facteurs de chronicisation sont facilement repérables : fardeau interictal, absentéisme/présentéisme, consommation de médicaments, aggravation subjective des symptômes de troubles thymiques/anxieux, et exacerbation de l’allodynie ou des symptômes somatiques.

Objectifs distincts des traitements ponctuel et préventif de la migraine

Le traitement de la migraine a des objectifs différents selon qu’il est ponctuel ou préventif. En effet, le traitement ponctuel vise une atténuation rapide de la douleur et, à 2 heures, le soulagement de la plupart des symptômes incommodants; l’amélioration du fonctionnement et de la qualité de vie; et la maîtrise des céphalées. Les médicaments ponctuels doivent être administrés dès le début d’une crise migraineuse, soit de 30 à 60 minutes après l’apparition de la céphalée. 

L’un des objectifs importants du traitement préventif de la migraine est une réduction de 50 % de la fréquence des crises migraineuses.

Comme le soutiennent le Dr Kingston et Mme Kelly, un traitement préventif peut aussi être bénéfique en présence de crises migraineuses fréquentes et de longue durée, d’une incapacité importante, d’une qualité de vie réduite, de difficultés psychosociales, d’échecs du traitement ponctuel, de contre-indications aux médicaments ponctuels, d’un risque de céphalée par abus médicamenteux (CAM), ou de migraine menstruelle.

Prise en charge de populations particulières

Étant donné la prévalence élevée de la migraine au sein de la population générale, il n’est pas étonnant de constater que la migraine soit fréquente durant la grossesse. Cependant, soulignent le Dr Kingston et Mme Kelly, la grossesse peut aussi influer sur la migraine et l’aura migraineuse. L’augmentation des taux d’œstrogènes peut potentialiser l’activité glutamatergique, ce qui peut conduire à une dépression corticale envahissante, processus intervenant dans l’aura migraineuse. Chez les personnes âgées, de multiples variables (facteurs de risque et accidents cardiovasculaires, comorbidité, polypharmacie, modifications de la présentation de la céphalée, etc.) font ressortir l’importance de sélectionner le bon médicament ponctuel ou préventif au moment opportun suivant la population considérée.

Durant leur présentation, le Dr Kingston et Mme Kelly ont fait état du lourd fardeau, de l’incapacité et de la stigmatisation associés la migraine, du large éventail de médicaments ponctuels et d’options préventives dont disposent les neurologues pour le traitement de la migraine, et des précautions permettant une prise en charge adéquate de populations particulières. De plus, en insistant sur le fait que la migraine non traitée peut évoluer vers la migraine chronique et qu’elle impose un lourd fardeau sur le système de santé au Canada, les conférenciers ont fait valoir l’importance de la prévention pour réduire l’incapacité liée à la migraine.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. Shapiro RE et al. Headache: The Journal of Head and Face Pain. 2019
  2. Buse DC et al. Headache. 2019;59(8):1286-99
  3. Martelletti P et al. J Headache Pain. 2018;19;115
  4. Zhang W et al. Scand J Work Environ Health. 2016;42(5):413-22
  5. Amoozegar F et al. Can J Neurol Sci. 2022;49(2):249-262
  6. Torres-Ferrus M et al. J Headache Pain. 2020;21(1):42.