Qu’est-ce qui aggrave la migraine? Cette question a été explorée dans une plénière de l’assemblée annuelle hybride de l’American Headache Society (ASHAM22). Le Pr Todd J. Schwedt, Mayo Clinic in Arizona, Phoenix a abordé la céphalée par abus médicamenteux (CAM), le vaste éventail de facteurs de risque possibles et d’options de traitement ainsi que la définition de la CAM, possiblement une zone grise en soi.
L’abus médicamenteux (AM) pourrait se définir comme l’utilisation d’un médicament de 10 à 15 jours par mois (selon le type de médicament)1. Fait important, cette définition inclut les médicaments pris pour d’autres motifs les jours sans céphalée2.
Les deux tiers des patients atteints de migraine chronique abusaient de médicaments sans pour autant répondre aux critères de la CAM
La céphalée par abus médicamenteux (CAM) implique au moins 15 jours avec céphalée par mois selon la définition de l’ICHD-31, mais ce ne sont pas tous les patients abusant de médicaments qui atteignent ce seuil. Dans l’étude CaMEO (Chronic Migraine Epidemiology and Outcomes), 67,9 % des répondants aux prises avec un AM avaient moins de 15 jours avec céphalée par mois2. Peut-être ces patients ne recevaient-ils pas un traitement ponctuel optimal contre la migraine.
Des facteurs génétiques et environnementaux contribuent à la CAM
Quoiqu’encore peu nombreuses, des études ont objectivé des facteurs génétiques dans la CAM3.
La CAM et l’addiction ont en commun quelques anomalies structurelles et fonctionnelles du cerveau
La probabilité d’avoir un membre de la famille abusant d’une substance est significativement plus élevée chez les patients avec CAM4. Fait digne de mention, la CAM est associée à des anomalies structurelles et fonctionnelles du cerveau qui s’apparentent à celles des patients aux prises avec une dépendance5. Certaines de ces anomalies persistent après la disparition de la CAM, ce qui pourrait aussi dénoter une prédisposition5.
Dans l’étude MAST (Migraine in America Symptoms and Treatment) qui regroupait 13 649 patients recevant un traitement mensuel pour leurs céphalées, les chercheurs ont noté de nombreux autres facteurs de risque de la CAM6 :
- traitement par un triptan, un opioïde, un barbiturique ou un dérivé de l’ergot;
- âge avancé;
- sexe masculin;
- indice de masse corporelle élevé;
- être marié;
- niveau de scolarité peu élevé;
- tabagisme.
Le risque de dépression et d’anxiété était deux fois plus élevé chez les patients avec AM
Le risque de dépression et d’anxiété était deux fois plus élevé chez les patients avec AM (39,5 % vs 20,2 %, p < 0,001)6.
Arrêter la prise du médicament ou pas?
Quelques études ont exploré différentes stratégies dans le traitement de la CAM. L’essai MOTS (Medication Overuse Treatment Strategy) regroupait 720 patients avec migraine chronique et AM7. Les patients étaient randomisés de façon à recevoir le médicament préventif tout en continuant à prendre le médicament dont ils abusaient ou encore, à recevoir le médicament préventif tout en passant à un médicament de rechange qu’ils pouvaient prendre jusqu’à 2 jours par semaine.
Les essais ne montrent aucune différence selon la plupart des paramètres, que le médicament dont ils abusaient ait été arrêté immédiatement ou non
Il n’y avait aucune différence quant à la fréquence des céphalées, mais la prévalence de l’AM durant les semaines 9 à 12 était significativement plus faible dans le groupe recevant le médicament de rechange (53 % vs 73 %, p < 0,001)7. Selon les analyses de sous-groupe, les patients ayant abusé d’un médicament plus de 23 jours par période de 4 semaines pourraient obtenir de meilleurs résultats en changeant de médicament et les patients dont l’anxiété initiale était marquée pourraient obtenir de meilleurs résultats en ne changeant pas de médicament7.
Un essai similaire n’a mis en évidence aucune différence quant au nombre de jours avec céphalée par mois, à l’utilisation de médicaments ponctuels ou à l’intensité des céphalées8. Cependant, l’utilisation d’un médicament préventif combiné à l’arrêt du traitement était associé à un taux de résolution de la CAM significativement plus élevé comparativement à l’utilisation d’un médicament préventif sans arrêt du médicament faisant l’objet d’un abus ou à l’arrêt du médicament avec l’option d’un traitement préventif 2 mois plus tard8.
Des interventions comportementales pourraient aider à réduire le nombre de jours avec céphalée par mois
Approches non médicamenteuses
Le Pr Schwedt a souligné le rôle éventuel des interventions comportementales dans le traitement de la CAM, à plus forte raison compte tenu du lien étroit avec la dépression et l’anxiété. Cette hypothèse a été explorée dans le cadre d’un essai récent mené à double insu avec randomisation chez 179 patients avec CAM9.
À 24 semaines, le nombre de jours d’utilisation d’un médicament ponctuel par mois était significativement moins élevé chez les patients bénéficant de la thérapie comportementale optimale que chez ceux bénéficiant d’une thérapie minimum. Cette différence significative n’a toutefois pas été observée aux autres évaluations9.
Ce symposium satellite était organisé par Lundbeck.
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