Ces dernières années, le nombre d’utilisateurs des plateformes de réseautage comme TikTok a progressé de manière fulgurante, particulièrement chez les jeunes. En octobre 2023, lors du congrès annuel de l’Association des psychiatres du Canada (APC) à Vancouver, des chercheurs du département de psychiatrie de Queen's University, Kingston, Ontario, ont présenté une affiche explorant les liens entre l’appropriation de troubles de santé mentale sur TikTok et l’autodiagnostic, particulièrement chez les jeunes.
Utilisation des médias sociaux : une envolée météorique
Le paysage des médias sociaux évolue rapidement, et de récentes estimations indiquent que mondialement, le nombre d'utilisateurs de TikTok, l’une des plateformes de réseautage les plus populaires, excède 1,5 milliard (G) par mois1. Principalement utilisé par les jeunes (près des deux tiers des utilisateurs ont entre 10 et 29 ans)1,2, TikTok se classe aussi parmi les premières sources d’information d’un nombre croissant d’adultes3.
La plupart des utilisateurs de TikTok ont moins de 30 ans
Publications liées à la santé mentale sur TikTok
Pour les jeunes, les plateformes de réseautage social forment aujourd’hui un forum important leur permettant de partager leurs expériences avec une communauté de pairs, et nombreux sont ceux qui publient des vidéos témoignant de leur parcours individuel avec des problèmes de santé mentale2. De fait, selon l’affiche présentée par les Drs Imaan Javeed et Ahila Vithiananthan, Queen’s University, parmi les mots-clics très populaires [en anglais] figurent notamment : #ADHD (attention deficit/hyperactivity disorder; 31,2 milliards [G] de visionnements), #BPD (borderline personality disorder; 11,7 G visionnements), #tourettes; 9,5 G visionnements), et #DID (dissociative identity disorder; 3,1 G visionnements). Certains de ces troubles, notamment le trouble dissociatif de l'identité, sont pourtant assez rarement diagnostiqués, et une vidéo racontant un parcours individuel avec un tel trouble pourrait être le fruit d’un autodiagnostic traduisant la recherche de bénéfices accessoires comme le soutien par les pairs, la reconnaissance et le sentiment d’appartenance4. Par ailleurs, on a relevé dans le contenu de TikTok et rapporté dans la littérature médicale une tendance à « jouer » un rôle de malade faisant valoir des symptômes soi-disant « mignons » ou drôles; cette tendance est inquiétante dans la mesure où un média social pourrait servir de vecteur pour renforcer la spirale de symptômes, voire simuler des symptômes de maladies factices2,4.
Les médias sociaux peuvent favoriser la déstigmatisation, mais aussi perpétuer la désinformation en matière de santé mentale
Pourquoi les adolescents évitent-ils de demander de l’aide médicale?
En santé mentale, la tendance qu’ont les jeunes à recourir à l’autodiagnostic au détriment d’un soutien professionnel a été attribuée à de multiples facteurs5, notamment : facteurs individuels (p. ex. méconnaissance des services en santé mentale et des symptômes graves nécessitant un traitement); facteurs sociaux (p. ex. stigmatisation et gêne anticipée, manque de motivation); facteurs relationnels (p. ex. préoccupations relatives à la confidentialité et à la divulgation de renseignements personnels); et facteurs systémiques ou structuraux (p. ex. manque de temps pour aller aux rendez-vous, problèmes liés au transport, coûts)5. Collectivement, ces obstacles à la sollicitation de soins professionnels en santé mentale peuvent accentuer la dépendance des jeunes vis-à-vis des médias sociaux, que ce soit afin de s’informer ou d’obtenir soutien et validation auprès de leurs pairs.
Les adolescents aux prises avec des symptômes psychiques peuvent renoncer à solliciter un soutien professionnel en raison d’obstacles d’ordre individuel, relationnel et structural
Recommandations pratiques
En réponse à l’utilisation grandissante des médias sociaux, l’American Academy of Pediatrics a formulé des recommandations cliniques afin de guider les fournisseurs de soins de santé et les éducateurs quant aux médias sociaux, et de réduire au minimum l’influence potentiellement négative d’une sous-culture du rôle de malade chez les jeunes2,6. On préconise entre autres de s’enquérir auprès des jeunes de leurs habitudes de consommation des médias sociaux, de contrer la désinformation par la psychoéducation, et d’encourager les parents à surveiller le contenu vidéo produit et/ou consommé par les enfants et à bannir les médias sociaux de certains espaces, p. ex. à table ou dans la chambre à coucher6. En définitive, les fournisseurs de soins et les éducateurs doivent rester au fait des tendances qui se répandent dans les médias sociaux parce qu’elles peuvent influer sur la santé mentale, particulièrement chez les jeunes2.
Les cliniciens doivent être au fait de l’émergence d’une sous-culture du rôle de malade dans les médias sociaux, laquelle demeure sous-étudiée2
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.