Savoir prendre la migraine en charge au fil de la transition vers la ménopause

La menstruation est un facteur déclenchant connu de crise migraineuse chez certaines femmes, mais qu’arrive-t-il durant la transition vers la ménopause, lorsque les cycles commencent à changer et que les taux hormonaux peuvent fluctuer considérablement durant des périodes prolongées? La prise en charge des crises migraineuses au fil des années de périménopause et à la ménopause ont été au cœur d’un entretien avec une experte, la Dre Christine Lay, professeure titulaire de neurologie, University of Toronto, durant le Migraine Summit 2024.

À l’intersection de la périménopause, de la ménopause et de la migraine

La périménopause correspond à la période entourant la ménopause, lorsque la femme a toujours ses cycles menstruels1-3. Chez certaines femmes, cette période peut être assez longue : elle s’amorce durant la trentaine, lorsque les cycles menstruels deviennent irréguliers et que les symptômes classiques de la ménopause tels les bouffées de chaleur apparaissent, et peut se prolonger jusqu’à la ménopause, soit 12 mois après la dernière menstruation3. Les taux hormonaux peuvent continuer de fluctuer et les symptômes peuvent persister pendant plusieurs années après la ménopause dans certains cas. Chez les femmes aux prises avec la migraine, la transition ménopausique peut être encore plus tumultueuse à cause de changements dans la fréquence, la sévérité et la durée des crises migraineuses, et la réponse de ces dernières au traitement. De plus, le fardeau entre les crises migraineuses peut s’alourdir, certaines femmes se sentant généralement moins bien entre les crises comparativement aux années qui ont précédé la ménopause.

L'aggravation de la migraine dans la quarantaine est parfois l’un des premiers signes de la périménopause 

Nouvelles observations sur la physiopathologie de la migraine menstruelle et la ménopause

Bien que la physiopathologie de la migraine menstruelle n’ait pas été totalement élucidée, de nouvelles données probantes montrent qu’elle ne se limite pas aux œstrogènes. Il est largement reconnu que la baisse rapide des taux d’œstrogènes durant la fin de la phase lutéale du cycle peut déclencher une crise migraineuse menstruelle1,3,4. Cela dit, le tableau est plus complexe, et ce n’est pas uniquement une question d’œstrogènes; d’autres hormones et neuropeptides, dont l’ocytocine et le peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP), jouent probablement un rôle1,2,4,5. On observe en effet des variations cycle-dépendantes des taux de CGRP chez la femme, et il a aussi été démontré que les taux de CGRP sont plus élevés durant les bouffées de chaleur chez les femmes en périménopause ou ménopausées5. Selon une théorie, la diminution des taux d'œstrogènes déclenche une crise migraineuse menstruelle en perturbant l’équilibre entre les facteurs pro-migraine comme le CGRP et les facteurs anti-migraine comme l’ocytocine dans le ganglion trigéminal, où se trouvent des récepteurs des trois molécules4.

Il y a des interactions complexes entre les taux variables d’œstrogènes, d’ocytocine et de CGRP durant la transition vers la ménopause

Répercussions sur la prise en charge des crises migraineuses durant la périménopause et à la ménopause

Chez les femmes aux prises avec une migraine menstruelle, l’imprévisibilité des crises migraineuses est l’un des principaux changements observés lorsque le cycle commence à changer durant la périménopause, si bien que les protocoles de traitement de la migraine peuvent perdre leur efficacité2. Par exemple, une femme aux prises avec une migraine menstruelle était peut-être capable de prévenir efficacement une crise migraineuse menstruelle à l’aide d’un mini-schéma prophylactique, tel un triptan pendant les 2 jours précédant le début de la menstruation. Les cycles devenant imprévisibles, cette option n’est plus possible. De l’avis de la Dre Lay, la façon dont les crises migraineuses sont prises en charge pourrait devoir être revisitée chez les femmes avec migraine menstruelle durant la périménopause. « Avec l’aide d’outils différents ou encore, à l’aide des mêmes outils utilisés différemment, on peut généralement épauler les femmes durant cette période en les aidant à bien gérer leurs crises migraineuses. » Plus précisément, elle conseille aux femmes de porter attention à d’autres signes avant-coureurs comme les symptômes prodromiques qui pourraient prédire l’apparition imminente d’une crise migraineuse. 

Les crises migraineuses peuvent devenir moins prévisibles durant la périménopause, lorsque les cycles deviennent irréguliers

La Dre Lay recommande aussi d’opter pour un traitement ponctuel plus énergique afin de contenir  « l’incendie », avant qu’une crise migraineuse sévère s’installe. Pour les femmes qui ne reçoivent pas déjà un traitement préventif pour la migraine, l’arrivée de la périménopause pourrait être un moment opportun pour une discussion sur les stratégies préventives avec le professionnel de la santé. « Pour les patientes qui répondaient bien aux médicaments traditionnels et qui n’ont pas communiqué avec leur médecin depuis 3 à 5 ans, nous pouvons faire mieux compte tenu des nouveaux médicaments anti-migraine ciblés extraordinaires qui ont été commercialisés. » Les dispositifs de neuromodulation pourraient aussi être des options efficaces, surtout chez les femmes aux prises avec des affections coexistantes qui restreignent l’utilisation de certains médicaments.

La périménopause pourrait être un moment opportun pour que la patiente actualise son protocole de traitement des crises migraineuses 

En parallèle, la Dre Lay conseille aux femmes de tenir un journal de leurs crises migraineuses afin de documenter les changements de leurs crises et de leurs cycles menstruels, et d’optimiser leurs habitudes de vie afin d’alléger le fardeau de la périménopause et de la migraine menstruelle. Cela pourrait vouloir dire une augmentation du nombre d’heures de sommeil, une activité physique régulière et une alimentation saine. Certains médicaments utilisés pour le traitement des symptômes vasomoteurs (bouffées de chaleur), tels des antidépresseurs, des antiépileptiques et des agents hormonaux, peuvent aussi servir au traitement des crises migraineuses2. Les contraceptifs oraux chez les femmes en périménopause et l’hormonothérapie de substitution chez les femmes ménopausées peuvent aider à « aplanir » les fluctuations des taux d’œstrogènes, mais ces médicaments sont associés à d’autres risques qui doivent faire l’objet d’une discussion (avantages vs risques) et d’une prise de décision partagée2,3.

La migraine au-delà de la ménopause

Bien que certaines femmes aux prises avec une migraine menstruelle voient leurs crises migraineuses empirer durant les années de la périménopause, nombreuses sont celles qui observent une amélioration lorsqu’elles parviennent à la ménopause et que les taux d’hormones fluctuent moins3. Cependant, réitère la Dre Lay, la transition peut se prolonger chez certaines femmes, et « l’attente est vraiment trop longue ». Elle conseille plutôt aux professionnels de la santé d’être à la fine pointe de l’actualité et d’opter pour un traitement plus énergique afin d’aider les patientes lorsqu’elles traversent cette période de transformation de leur vie.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. Godley F et al. J Pers Med 2024;14:184.
  2. Ornello R et al. J Clin Med 2021;10:2263.
  3. Ripa P et al. Int J Womens Health 2015;7:773-82.
  4. Krause DN et al. Nature Rev Neurol 2021;17:621-33.
  5. De Vries Lentsch S et al. Maturitas 2021;145 :73-77.