Optimiser les résultats du traitement du trouble dépressif majeur

Dans le cadre du 35e Congrès du European College of Neuropsychopharmacology (ECNP), qui a eu lieu du 15 au 18 octobre à Vienne, en Autriche, lors d’un symposium intitulé « Optimiser les résultats du traitement du trouble dépressif majeur (TDM) : prise en charge des patients ne répondant que partiellement à un antidépresseur », le Pr George Papakostas (Harvard Medical School, É.-U.) a fait valoir qu’une réponse partielle au traitement antidépresseur peut entraîner un risque accru de récidive, d’épisodes dépressifs chroniques et d’incapacité liée au travail ou aux relations interpersonnelles. Ainsi, il est essentiel de surveiller la réponse et, au besoin, de modifier le traitement rapidement. Le Pr Roger McIntyre (University of Toronto, Canada) s’est penché sur le lien entre l’atteinte des objectifs du patient traité pour un TDM, y compris le fonctionnement psychosocial, et la satisfaction à l’égard du traitement (ce qui suppose de maîtriser les symptômes et de limiter les effets indésirables). La Dre Susana Sousa Almeida (Universidade do Porto, Portugal) a ensuite parlé de la nécessité d’évaluer la réponse à un stade précoce du traitement antidépresseur, et des stratégies d’ajustement de la dose, de potentialisation ou de remplacement à envisager en l’absence d’une réponse précoce satisfaisante.

Conséquences possibles d’une réponse partielle à un traitement antidépresseur

« Si le tableau clinique du trouble dépressif majeur (TDM) est variable1, déclare le Pr Papakostas, le but du traitement, lui, est toujours le même : soulager les symptômes dépressifs et rétablir le fonctionnement psychosocial. » Des études ont montré que les patients traités jusqu’à la rémission peuvent connaître une plus grande amélioration fonctionnelle, y compris une amélioration significative de la performance au travail et de la productivité 2,3.

Cependant, l’étude STAR*D a révélé que des symptômes persistaient chez beaucoup de patients traités initialement par un seul inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine (ISRS)4. De même, selon une méta-analyse du Pr Papakostas, le taux moyen de réponse à un premier antidépresseur est de 53,4 %, comparativement à 36,6 % chez les patients sous placebo, ce qui indique qu’un tiers seulement de la réponse est attribuable au médicament5.

La détermination des facteurs qui modulent la réponse et permettraient de la prédire nous aidera à améliorer et à personnaliser le traitement du TDM, affirme le Pr Papakostas. Parmi les facteurs prédictifs généraux qui pourraient aider à repérer les patients susceptibles de moins bien répondre ou, au contraire, de s’améliorer plus rapidement figurent : résultats de neuroimagerie, indicateurs endocriniens, immunitaires ou génétiques, variables socioéconomiques, troubles médicaux ou psychiatriques concomitants, et symptômes prédictifs6. Cependant, nombre de ces facteurs restent à préciser, souligne le Pr Papakostas.

Une réponse partielle au traitement antidépresseur peut entraîner un risque accru de récidive, de chronicité et de suicide

Certains symptômes qui ne sont pas définis comme indicatifs d’un TDM, notamment le sentiment de désespoir7, les symptômes anxieux8 et la douleur9, peuvent également être prédictifs d’une faible réponse au traitement. La concomitance de troubles de l’Axe I ou de maladies métaboliques peut aussi influer sur la réponse au traitement du TDM4.

Une réponse partielle commande une intervention rapide, car elle entraîne non seulement un risque accru de récidive et d’épisodes plus rapprochés10,11, mais aussi un risque continu de suicide12, d’épisodes dépressifs chroniques répétés10,11 et d’incapacité persistante liée au travail ou aux relations interpersonnelles13. Elle est aussi associée à un risque de mortalité et de morbidité14, et à une hausse des complications d’affections concomitantes comme celles d’un accident vasculaire cérébral15, d’une maladie cardiovasculaire16 et du diabète17.

Pour atteindre les objectifs précités, une modification du traitement s’impose advenant l’absence d’amélioration satisfaisante des symptômes, la récurrence de symptômes du TDM après la rémission, ou l’intolérance au médicament utilisé. Le Pr Papakostas insiste sur l’importance d’être vigilant pour reconnaître ces scénarios, dont la détection précoce peut permettre d’améliorer les résultats18. Il souligne aussi la nécessité d’évaluer l’exactitude du diagnostic initial, la présence d’une éventuelle maladie concomitante, ainsi que l’adéquation de la dose et de la durée du traitement19.

Il importe également, précise le Pr Papakostas, de faire un suivi fréquent et régulier au moyen d’outils d’évaluation par le clinicien et par le patient, en veillant à la constance des outils utilisés. L’emploi d’outils d’évaluation et de suivi est important dans la mesure où les critères de rémission du patient ne concordent pas toujours avec ceux du clinicien. Pour les patients, les facteurs les plus importants sont d’abord une santé mentale positive, le fait de se sentir « redevenu soi-même » et une sensation générale de bien-être, suivis de l’absence de symptômes dépressifs20.

On observe une plus grande amélioration fonctionnelle lorsque les patients sont traités jusqu’à la rémission

Les préférences du patient ont aussi une influence déterminante sur les résultats du traitement. Une étude a révélé des résultats supérieurs chez les patients recevant le type de traitement de leur choix, médicamenteux ou non21. « La participation du patient à la sélection du traitement permet de renforcer l’effet placebo », déclare le Pr Papakostas. 

Données probantes récentes sur l’utilisation d’un antidépresseur chez des patients répondant partiellement au traitement

Le patient traité pour un TDM peut s’être donné pour objectif d’améliorer ses relations familiales, sa santé physique et sa capacité intellectuelle/créativité, d’organiser sa vie à la maison, de trouver un emploi, et de se faire des amis ou de rencontrer un partenaire22. Des recherches auprès de patients recevant un ISRS ou un inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) ont révélé une forte corrélation entre l’amélioration des résultats et celle de la satisfaction à l’égard du traitement23. D’autres études ont montré qu’il existe une corrélation directe entre la satisfaction du patient à l’égard de son médicament et l’observance24, laquelle peut contribuer aux résultats du traitement25.

La satisfaction à l’égard du traitement est corrélée avec l’amélioration des résultats dans le TDM

« Une amélioration partielle en réponse au traitement antidépresseur pourrait être la règle plutôt que l’exception, ajoute le Pr McIntyre car elle dénote l’activité continue de la maladie. » En l’absence de réponse, l’une des stratégies de prise en charge est de changer d’antidépresseur26. Ainsi, dans le cadre de l’étude STAR*D, un premier ISRS était remplacé par un autre ISRS, un antidépresseur atypique, un IRSN ou une thérapie cognitive. Parmi les patients passant à un deuxième antidépresseur, 31 % avaient atteint la rémission à 5-7 semaines27, 28. Selon le Pr McIntyre, cela signifie « qu’en première intention, nous devrions prioriser les traitements dotés d’un potentiel thérapeutique supérieur et d’une bonne tolérabilité; si le patient n’en tire aucun avantage, il faudrait immédiatement passer à un autre médicament dont l’utilisation repose sur des données probantes à l’appui de sa tolérabilité. »

Optimiser les résultats en cas de réponse partielle : augmentation de la dose, potentialisation, ou changement d’antidépresseur?

« Il n’est pas évident d’optimiser la stratégie de prise en charge du patient atteint d’un TDM », affirme la Dre Sousa Almeida. Notamment, il faudra repérer le traitement le plus approprié en cas de réponse partielle29 et décider s’il conviendrait d’augmenter la dose, de recourir à la potentialisation ou à une association médicamenteuse, ou de changer d’antidépresseur. Les guides de pratique à cet effet diffèrent selon les pays30.

Recommandée dans les guides de pratique, l’augmentation de la dose de l’antidépresseur ne conduit pas nécessairement à une plus grande efficacité, particulièrement dans le cas des ISRS. En outre, il faut viser un équilibre entre l’efficacité et les effets indésirables, dont la fréquence augmente parallèlement à la dose pour certains antidépresseurs31. La combinaison avec un autre antidépresseur a été associée à une plus grande efficacité comparativement à la monothérapie, mais elle peut alourdir le fardeau d’effets indésirables, et s’il existe un grand nombre d’associations médicamenteuses possibles, les données à leur sujet sont limitées27, 32, 33. Les recommandations diffèrent quant aux associations médicamenteuses à envisager aux différents paliers de l’arbre décisionnel thérapeutique30, 34. Dans un certain nombre de guides de pratique, la potentialisation par un antipsychotique atypique est recommandée comme stratégie de potentialisation de première intention34

Chez les patients atteints d’un TDM en rémission partielle, les options thérapeutiques comprennent l’ajustement de la dose, la potentialisation, et le changement d’antidépresseur

Quand doit-on envisager d’autres options de traitement? Il s’agit d’une question clé, qui peut être difficile.« Nous devons considérer le délai d’apparition d’un effet clinique au regard du risque bien réel de persistance des symptômes dépressifs », explique la Dre Sousa Almeida35. Dans une étude auprès de 2848 patients, le délai moyen séparant l’instauration du traitement et le début de l’amélioration était d’environ 2 semaines; le délai de réponse moyen était inférieur à 3 semaines. L’étude a aussi révélé que la probabilité de réponse durable était au moins 3 fois plus élevée chez les patients dont l’état s’améliorait rapidement36. Cela est important, car dans l’étude collaborative sur la dépression du National Institute of Mental Health, les symptômes dépressifs résiduels en deçà du seuil diagnostique étaient associés à une dépression chronique récurrente plus sévère10.

Bien qu’il existe différents guides de pratique, la Dre Sousa Almeida souligne qu’elle utilise généralement celui du Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT), lequel repose sur une approche par étapes qui débute par une évaluation de l’amélioration précoce à 2-4 semaines et explore la prise en charge en cas de réponse partielle ou de non-réponse37.

Dans son guide de pratique, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) du Royaume-Uni souligne l’importance de toujours prendre en compte les options et les préférences du patient. Le traitement peut aussi inclure des exercices en groupe et le passage à la psychothérapie, en plus des options d’augmentation de la dose et de changement d’antidépresseur38. « Dialoguez avec votre patient et surveillez-le tout au long du traitement pour vous assurer de sa satisfaction », préconise la Dre Sousa Almeida.

Quand on change d’antidépresseur, il faut le faire lentement, soit en diminuant progressivement le premier médicament tout en instaurant progressivement le second, et en prenant soin de surveiller la tolérance au second médicament et les symptômes de retrait associés au premier35. La Dre Sousa Almeida fait valoir que des données additionnelles et des recommandations plus précises sont requises à ce chapitre.

 

Ce symposium satellite a été financé par une subvention à l’éducation de Lundbeck A/S.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

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