Répercussions de la comorbidité psychiatrique sur la migraine et son traitement

Les troubles psychiatriques associés à la migraine sont fréquents et peuvent influer sur la sévérité de la maladie et les options thérapeutiques; mais étonnamment, leur influence est parfois favorable. Le Pr Todd A. Smitherman, University of Mississippi, Oxford, MS, a exploré des données probantes lors de la réunion 2022 hybride de l’AHS, à Denver.

Les troubles psychiatriques sont plus fréquents chez les patients migraineux qu’au sein de la population générale1. Dans l’étude CaMEO sur l’épidémiologie et l’issue clinique de la migraine chronique, respectivement 30,0 % et 28,1 % des répondants aux prises avec une migraine épisodique ont signalé être atteints de dépression et d’anxiété2. Ces taux étaient beaucoup plus élevés chez les personnes avec migraine chronique, dont 56,6 % souffraient de dépression et 48,4 %, d’anxiété2.

La migraine est associée à de nombreux troubles psychiatriques1-5

Par ailleurs, certains troubles psychiatriques peuvent augmenter le risque de migraine, notamment un traumatisme psychologique3, l’état de stress post-traumatique (ÉSPT)4, et une expérience négative durant l'enfance5.

Alourdissement du fardeau de la maladie

La comorbidité psychiatrique influe sur la qualité de vie. Dans l’étude CaMEO, la présence de dépression ou d’anxiété était significativement associée à un risque accru d’incapacité légère ou modérée liée à la migraine2. Fait intéressant, chez les répondants atteints à la fois de dépression et d’anxiété, le risque d’incapacité était encore plus élevé2.

Le Pr Smitherman a présenté des données non publiées témoignant d’une baisse de l’incapacité liée aux céphalées pendant la pandémie de COVID‑19, comparativement aux niveaux prépandémiques. Cependant, durant la pandémie, l’incapacité liée à la dépression et à l’anxiété a augmenté, neutralisant ainsi l’effet de l’amélioration chez les patients également aux prises avec la migraine.

La dépression et l’anxiété ont un effet additif sur la hausse de l’incapacité liée à la migraine2

Risque accru de chronicisation

Les troubles psychiatriques concomitants contribuent aussi aux risques de chronicisation de la migraine et de céphalées par abus médicamenteux (CAM).

Des données probantes issues d’une récente revue systématique corroborent fortement le rôle de la dépression dans la chronicisation6. D’autres données témoignent du lien entre la sévérité de la dépression et un risque accru de chronicisation7.

Les sondages de Nord-Trøndelag sur la santé, menés sur 11 ans, ont révélé un risque relatif estimé de CAM de 4,7 chez les répondants qui, au départ, avaient signalé une combinaison de problèmes musculosquelettiques ou gastro-intestinaux et d’anxiété ou de dépression8.

Traitement possiblement plus efficace

Étonnamment peut-être, les patients migraineux atteints d’un trouble de l’humeur ou d’un trouble anxieux concomitant pourraient mieux répondre au traitement préventif. Une étude a révélé que chez ces patients, la réduction du nombre de jours avec migraine et des scores d’incapacité était significativement plus importante que chez les patients ne présentant pas de trouble de l’humeur ou d’anxiété9.

La présence de troubles psychiatriques concomitants pourrait améliorer la réponse au traitement9,10

Une autre étude a porté sur l’intégration d’approches fondées sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) dans la prise en charge de la migraine accompagnée de dépression. Chez les patients du groupe TCC, on a relevé une amélioration significativement plus importante des paramètres liés aux céphalées, à la dépression et à l’anxiété comparativement aux patients recevant un traitement standard10.

Apprendre à affronter

Le Pr Smitherman a abordé la question importante de l’appréhension et des réactions d’évitement de la douleur, qui se manifestent entre les crises11 et augmentent le risque de CAM12. Typiquement, on aura conseillé au patient d’éviter tous les déclencheurs, mais cette approche peut conduire à une sensibilité accrue aux déclencheurs13.

L’approche « apprendre à affronter » a donné de meilleurs résultats que l’évitement des déclencheurs de crises migraineuses13

Le modèle suivant lequel le patient apprend à affronter les déclencheurs (learning-to-cope ou LTC) est prometteur. Cette approche vise à désensibiliser le patient à certains déclencheurs par le maintien de l’exposition à ces facteurs13. Lors d’une étude comparative randomisée, une diminution significative de la fréquence des crises migraineuses a été enregistrée dans le groupe LTC, ce qui n’a pas été observé dans le groupe traité par l’évitement des déclencheurs13.

Les patients peuvent taire certains faits

Pour conclure, le Pr Smitherman a ajouté que les patients peuvent hésiter à parler de leurs symptômes d’ordre psychiatrique parce qu’ils s’inquiètent d’une stigmatisation de la migraine14. À cet égard, le questionnaire sur l’acceptation de la migraine (HAQ) peut être utile15.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. Saunders K, et al. Neurology 2008;70(7):538-47.
  2. Lipton RB, et al. Headache 2020;60(8):1683-96.
  3. Scher AI, et al. Cephalalgia 2008;28(8):868-76.
  4. Arcaya MC, et al. Health Psychol 2017;36(5):411-8.
  5. Anda R, et al. Headache 2010;50(9):1473-81.
  6. Buse DC, et al. Headache 2019;59(3):306-38.
  7. Ashina S, et al. J Headache Pain 2012;13(8):615-24.
  8. Hagen K, et al. Pain 2012;153(1):56-61.
  9. Seng EK, Holroyd KA. Cephalalgia 2012;32(5):390-400.
  10. Martin PR, et al. Behav Res Ther 2015;73:8-18.
  11. Rogers DG, et al. Curr Pain Headache Rep 2020;24(7):33.
  12. Peck KR, et al. Headache 2018;58(5):648-60.
  13. Martin PR, et al. Health Psychol 2021;40(10):674-85.
  14. Korkmaz S, et al. J Clin Neurosci 2019;62:180-3.
  15. Hamer JD, et al. Cephalalgia 2020;40(8):797-807.