Tant à l’échelle locale qu’internationale, les organismes de lutte contre les céphalées pavent la voie à une meilleure compréhension du fardeau des céphalées et à l’optimisation de la prestation des soins. Lors d’un symposium à l’International Headache Congress (IHC) 2023, qui a eu lieu à Séoul, en Corée du Sud, Gøril Bruvik Gravdahl, infirmière-chercheure, Hôpital Saint-Olav, Trondheim, Norvège, a présenté la campagne mondiale contre les céphalées. Notamment, cette initiative a permis de réaliser des études épidémiologiques et de créer des ressources pour soutenir les professionnels de la santé (PS) de 1re ligne dans la prise en charge des céphalées. Kaori Tabata, infirmière spécialisée en soins des céphalées, Hôpital Tominaga, Osaka, Japon, a parlé de la Coalition pour la défense des intérêts des patients japonais aux prises avec des céphalées; cet organisme tient des séances en marge de congrès ou dans des hôpitaux pour permettre aux patients vivant avec la migraine, y compris des travailleurs de la santé, de partager leur expérience afin d’aider les PS à mieux comprendre le fardeau qu’impose cette affection. Dans un grand nombre de services dédiés aux soins des céphalées, les infirmières spécialisées jouent un rôle clé dans l’évaluation des patients, la prestation du traitement et le suivi; certaines d’entre elles sont aussi autorisées à prescrire des médicaments et à élaborer un plan de traitement. Jennifer Trouerbach, infirmière spécialisée en soins des céphalées, Centre médical de l’Université de Leyde, Pays-Bas, et Susie Lagrata, infirmière praticienne spécialisée et infirmière-cheffe, Céphalées et neuromodulation, National Hospital for Neurology and Neurosurgery, Londres, Royaume-Uni, ont souligné certains aspects essentiels du rôle de l’infirmière spécialisée en soins des céphalées et d’un service de soins des céphalées dont la gestion est assurée par des infirmières.
Campagne mondiale contre les céphalée
La campagne mondiale contre les céphalées de Lifting the Burden, organisation indépendante, mise sur la collaboration d’établissements universitaires et de sociétés de lutte contre les céphalées1. Les objectifs stratégiques de la campagne sont les suivants : « savoir pour sensibiliser », « sensibiliser pour agir », et « agir pour progresser »1,2. Durant la 1re phase, « savoir pour sensibiliser », on a documenté le fardeau mondial des céphalées et mené des études épidémiologiques portant notamment sur des populations, des écoles et des milieux de travail particuliers, la mesure des résultats, l’éducation des professionnels de la santé (PS) et les interventions1,3.
Il existe des ressources pour aider les PS de 1re ligne à diagnostiquer et à traiter les céphalées4,5
L’information ainsi recueillie a été utilisée durant la 2e phase, « sensibiliser pour agir », axée sur la sensibilisation des fournisseurs de soins, des décideurs politiques en santé et des personnes aux prises avec des céphalées1. Les résultats ont également conduit à la publication de l’ATLAS of headache disorders and resources4 et d’une ressource intitulée Aids to management of headache disorders in primary care (2nd edition)5. L’étape finale de la campagne, « agir pour progresser », mise sur la mise en œuvre de solutions en santé, notamment d’un modèle de services structurés de prise en charge des céphalées, lequel est adaptable aux besoins locaux6-8.
Prise en charge des céphalées au Japon
Fondée en 2017, la Coalition pour la défense des intérêts des patients japonais aux prises avec des céphalées9 tient des séances en marge de congrès pour permettre aux patients vivant avec la migraine de faire part de leur expérience à des PS. Mme Tabata rapporte que 25 forums ont eu lieu à ce jour. De plus, la Coalition organise des réunions entre pairs afin d’aider les PS à « communiquer avec les patients de manière plus accessible ».
Les témoignages de personnes aux prises avec la migraine peuvent aider les PS à mieux comprendre ce que vivent les patients
Mme Tabata ajoute qu’au Japon, l’incidence de la migraine est élevée chez les infirmières10. « Créer un environnement de travail approprié pour les infirmières aux prises avec la migraine n’est pas chose simple », souligne-t-elle. Les déclencheurs de crise migraineuse, comme le manque de sommeil, une surcharge de travail, l’exposition à la lumière, au bruit ou au stress11, peuvent tous survenir dans l’exercice de la profession, et ils pourraient pousser une infirmière à abandonner sa carrière si, pour cette raison, elle craint de commettre des erreurs au travail, soutient Mme Tabata. « Je crois qu’il est urgent de s’attaquer à la question de la migraine dans le secteur infirmier et médical », déclare-t-elle. À cette fin, dans l’hôpital où elle travaille, une équipe interdisciplinaire de prise en charge des céphalées, comprenant infirmières, cliniciens, physiothérapeutes, psychologues cliniciens et employés de soutien, a été mise en place et offre une formation aux membres du personnel touchés par les céphalées.
Rôle de l’infirmière spécialisée en soins des céphalées
Le rôle de l’infirmière spécialisée en soins des céphalées, explique Mme Trouerbach, a de multiples facettes :
- Prodiguer des conseils au sujet de médicaments (effets, effets indésirables, utilisation appropriée)
- S’assurer que le patient comprend son traitement et qu’il est motivé à y adhérer
- Explorer les déclencheurs éventuels et conseiller le patient quant à ses comportements et ses habitudes de vie
- Élaborer un plan de traitement personnalisé pour le patient aux prises avec des céphalées par abus médicamenteux
- Conseiller d’autres PS et des associations de patients
Mme Trouerbach a aussi abordé la prise de décision partagée et souligné l’importance de « communiquer verbalement les attentes afin de s’assurer qu’elles concordent avec celles du patient. Si le patient sait ce qu’il peut attendre de son plan de traitement, il sera moins anxieux, plus confiant et apte à reprendre sa vie en main. »
L’infirmière spécialisée en soins des céphalées peut miser sur la prise de décision partagée pour aider le patient à convenir des objectifs de son traitement contre la migraine
Mme Trouerbach mentionne également que l’hôpital où elle travaille a mis en place un système de communication en ligne permettant au patient de poser en tout temps des questions sur sa maladie ou ses médicaments, au lieu d’attendre la consultation suivante. En outre, aux fins du suivi, le patient reçoit un journal numérique qu’il peut remplir à la maison et transmettre chaque jour à son équipe soignante, afin que l’information soit accessible juste avant ou durant une consultation.
Promouvoir le rôle de l’infirmière spécialisée en soins des céphalées
Mme Lagrata précise que « les infirmières spécialisées en soins des céphalées font aujourd’hui partie intégrante des équipes multidisciplinaires, et leur contribution complémentaire doit être utilisée de manière optimale au bénéfice des patients ». Dans les cliniques de suivi, l’infirmière spécialisée en soins des céphalées joue un rôle d’une importance particulière auprès des patients en évaluant le degré actuel d’incapacité et en prodiguant des conseils quant aux habitudes de vie et à l’autoprise en charge.
Les cliniques spécialisées gérées par des infirmières peuvent assurer le traitement et le suivi des patients aux prises avec des céphalées
Il existe quelques cliniques entièrement gérées par des infirmières, où ces dernières posent le diagnostic, prescrivent des médicaments, administrent des traitements (notamment la toxine botulinique et les blocs nerveux périphériques), éduquent les patients et assurent le suivi des soins. Des données probantes montrent que ces cliniques sont sûres et efficientes12,13. Toutefois, prévient Mme Lagrata, certains obstacles peuvent entraver la mise en œuvre par des infirmières d’un service de soins des céphalées. Parmi les difficultés rencontrées, elle cite notamment l’opposition d’associations professionnelles concernant l’administration de traitements, la capacité à gérer la liste d’attente, l’observance du traitement et des facteurs logistiques comme un manque d’espace.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.