Le brouillard mental et le dysfonctionnement cognitif sont des symptômes courants avant, durant et après une crise migraineuse, et ils sont associés à un lourd fardeau1,2. De fait, les patients vivant avec la migraine estiment que la difficulté à penser et l’aggravation des symptômes liée à un effort mental constituent, après la douleur, les symptômes les plus incommodants de la maladie2. Il est donc important de comprendre ce qui cause le brouillard mental et comment le prendre en charge. Lors d’une plénière au congrès annuel de l’American Headache Society (AHS), Hsiangkuo Yuan, MD, Ph. D., a examiné les hypothèses actuelles concernant les mécanismes du brouillard mental dans la céphalée et d’autres troubles, et Elizabeth Seng, Ph. D., s’est penchée sur les symptômes cognitifs objectifs et subjectifs survenant au cours des différentes phases d’une crise migraineuse.
Définition du « brouillard mental »
Le brouillard mental est une manifestation subjective qui englobe diverses sensations résultant d’une altération des fonctions cognitives3. Chez les patients qui en souffrent, le brouillard mental est associé de manière variable à des symptômes cognitifs typiques (p. ex. pertes de mémoire, problèmes de concentration, distractibilité et inattention) de même qu’à une sensation d’engourdissement, de fatigue et d’émoussement affectif, à une dépersonnalisation, et à une difficulté à communiquer (p. ex. manque du mot)4.
Le « brouillard mental » est un terme générique regroupant des sensations subjectives d’altération cognitive
Causes possibles du brouillard mental
Les causes possibles du brouillard mental sont multiples, et le Dr Yuan a présenté trois des principaux modèles étiologiques de ce symptôme, centrés respectivement sur la COVID longue, le système glymphatique et le microbiote. Environ le quart des patients atteints de COVID longue présentent une altération persistante des fonctions exécutives5, laquelle est plus marquée en cas de maladie sévère6. On attribue le brouillard mental associé à la COVID longue à une neuroinflammation chronique7 conduisant à une dysrégulation neuronale et gliale, laquelle altére les circuits neuronaux et la fonction cognitive8 et a été associée à une hypoperfusion fronto-temporale9.
Le brouillard mental est un symptôme courant chez les personnes atteintes de COVID longue
Selon « l’hypothèse glymphatique », il existe un système assurant la circulation liquidienne entre le liquide céphalorachidien (LCR) et le cerveau; ce système jouerait un rôle crucial dans l’apport de nutriments et l’élimination des déchets dans les tissus cérébraux10. Une défaillance du système glymphatique pourrait ainsi conduire à une accumulation de toxines dans le cerveau, ce qui a été observé chez des personnes atteintes de démence11 ou d’autres troubles associés à un dysfonctionnement cognitif12. Le Dr Yuan avance qu’un dysfonctionnement glymphatique pourrait conduire à une congestion du LCR et, ainsi, à une incapacité cognitive, mais cela reste à vérifier dans le cadre d’études plus poussées.
Un dysfonctionnement glymphatique pourrait contribuer à l’apparition d’un brouillard mental
Le troisième modèle est axé sur la communication bidirectionnelle entre le microbiote intestinal et le cerveau par l’intermédiaire de l’axe intestin-cerveau13. Les métabolites produits par le microbiote intestinal, notamment des toxines pouvant endommager la gaine de myéline, pourraient traverser la barrière hémato-encéphalique et entraîner un dysfonctionnement cognitif13. Des études corroborant cette hypothèse ont révélé que la prolifération bactérienne dans l’intestin grêle (small intestinal bacterial overgrowth [SIBO]) est plus fréquente chez les patients affligés de brouillard mental14, et que la dysbiose intestinale est plus répandue chez les personnes vivant avec la migraine que chez les sujets sains15.
Les chercheurs s’intéressent activement à l’étiologie du brouillard mental – les principales hypothèses mettent en cause une neuroinflammation chronique, un dysfonctionnement glymphatique ou une dysbiose
Symptômes cognitifs au fil d’une crise migraineuse
Bien que le brouillard mental soit un symptôme courant de la migraine, sa prévalence fluctue au fil des différentes phases d’une crise migraineuse, a souligné Mme Seng, ce qui évoque l’implication possible de mécanismes distincts. La prévalence des symptômes cognitifs est maximale durant le prodrome (90 % des patients) et la phase aiguë (88 % des patients); néanmoins, ces symptômes peuvent persister durant le postdrome, et jusqu’au tiers des patients rapportent des symptômes cognitifs durant la phase interictale1.
La prévalence des symptômes cognitifs est maximale durant le prodrome et la phase de céphalée
En outre, les patients rapportent différents types de dysfonctionnement cognitif durant les phases de la crise migraineuse. Par exemple, le brouillard mental est plus courant durant le prodrome et le postdrome, les difficultés de concentration sont plus sévères durant le prodrome et la phase de céphalée, et les problèmes de mémoire sont plus accentués durant la phase de céphalée1,16. Selon Mme Seng, cela indique que les symptômes cognitifs subjectifs comme le brouillard mental pourraient être prédictifs de la survenue prochaine d’une crise migraineuse.
Certains symptômes cognitifs durant le prodrome pourraient signaliser la survenue prochaine d’une crise migraineuse
L’effort cognitif est perçu comme un déclencheur de crise migraineuse
Il est difficile d’évaluer l’incapacité cognitive associée à la migraine, car la maladie peut dissuader le patient d’accomplir un effort cognitif. On a créé le terme « cogniphobie » pour désigner le conditionnement opérant typique qui amène le patient aux prises avec la migraine à éviter d’accomplir un effort cognitif de peur que ce dernier déclenche une crise migraineuse17. On a constaté que chez le patient présentant une cogniphobie prononcée, les perceptions subjective et objective du fonctionnement cognitif sont moins étroitement liées18; selon Mme Seng, il faut tenir compte de ce facteur de confusion au moment d’interpréter les appréciations subjectives du patient faisant état d’une diminution du fonctionnement cognitif lors de ses crises migraineuses.
La cogniphobie décrit le comportement d’un patient qui évite d’accomplir un effort cognitif de peur que ce dernier déclenche une crise migraineuse
Brouillard mental et migraine : futures avenues de recherche
La crise migraineuse est associée à des altérations objectives du fonctionnement cognitif auxquelles on peut remédier grâce à un traitement ponctuel. Des recherches plus poussées permettront d’examiner le lien entre la diminution perçue et la baisse objective du fonctionnement cognitif durant la crise migraineuse, et de déterminer dans quelle mesure les symptômes cognitifs subjectifs et objectifs sont caractéristiques du prodrome et du postdrome.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck