Comment faciliter le traitement préventif de la migraine

L’arsenal des traitements préventifs de la migraine s’est considérablement enrichi au cours des dernières années avec l’arrivée des agents qui ciblent la voie du peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP). Aujourd’hui, le choix d’un traitement préventif peut être mieux adapté à chaque patient selon ses caractéristiques, ses besoins et ses préférences. La Dre Cristina Tassorelli, neurologue, Université de Pavie, en Italie, a présenté une approche simplifiée et pratique pour le choix d’un traitement prophylactique de la migraine dans le cadre de sa communication intitulée Preventive Treatment of Migraine Made Easier (Comment faciliter le traitement préventif de la migraine).

Quand offrir un traitement préventif pour la migraine 

Comme ce ne sont pas tous les patients vivant avec la migraine qui ont besoin d’un traitement prophylactique, la première étape importante est de déterminer quand une stratégie préventive est indiquée. En général, une stratégie de prévention de la migraine doit être instaurée quand la migraine nuit significativement à la routine du patient et à sa qualité de vie malgré la prise en charge appropriée des facteurs déclenchants et le traitement ponctuel des crises. Un algorithme progressif facile à suivre aide le clinicien à déterminer quand envisager et quand offrir un traitement préventif aux personnes vivant avec la migraine d’après la fréquence et la sévérité de leurs céphalées et leur réponse aux médicaments ponctuels1.

Déficit lié à la céphalée Fréquence des céphalées, jours par mois
2 3 4–5 6–10 11–14
Inexistant ou léger, bonne réponse aux médicaments ponctuels     Envisager Offrir Offrir
Modéré, réponse variable aux médicaments ponctuels   Envisager Offer Offer Offrir
Sévère/repos au lit Envisager Offrir Offrir Offrir Offrir
Tableau d’après Lipton RB, Silberstein SD. Headache (2015).

Facteurs influant sur le choix d’un traitement préventif 

Une myriade de facteurs influent sur le choix d’un traitement préventif au sein de l’arsenal thérapeutique à notre disposition, notamment : des facteurs liés au patient, p. ex. le type de crise migraineuse et la présence d’affections concomitantes; des facteurs liés au médicament, p. ex. l’efficacité, l’innocuité et les interactions médicamenteuses; et des facteurs liés à l’accès, p. ex. le coût et la commercialisation. Une approche simplifiée pour le choix d’un traitement préventif de la migraine a été proposée : un code de couleurs permet de classer les médicaments offrant le meilleur équilibre efficacité-tolérabilité2. Ce classement repose sur les résultats d’une méta-analyse en réseau qui réunissait plus de 32 000 patients migraineux ayant participé à 74 essais comparatifs2.

La voie du CGRP ciblée

Bien que le seuil traditionnel de l’efficacité d’un traitement préventif pour la migraine soit une réduction ≥ 50 % du nombre de jours avec migraine par mois, les anticorps monoclonaux anti-CGRP montent la barre d’un cran, explique la Dre Tassorelli. Par exemple, chez environ le tiers des patients atteints de migraine chronique ayant reçu un anticorps monoclonal anti-CGRP en perfusion, le nombre de jours avec migraine par mois a diminué de ≥ 75 %, et cet effet a été observé en seulement 1 à 4 semaines suivant le premier traitement3. L’un des avantages importants des anticorps monoclonaux anti-CGRP par rapport aux traitements préventifs oraux traditionnels est leur profil d’innocuité et de tolérabilité favorable, grâce auquel on obtient, en conditions réelles, une diminution significative du nombre d’abandons motivés par des effets indésirables chez les patients aux prises avec la migraine4.

Une réduction ≥ 75 % du nombre de jours avec migraine par mois est maintenant un objectif réaliste pour de nombreuses personnes vivant avec la migraine 

Les gépants oraux qui bloquent la voie du CGRP sont aussi associés à un bon équilibre efficacité-tolérabilité pour la prévention de la migraine. La Dre Tassorelli a cité à cet égard les résultats de la comparaison directe d’un gépant et d’un anticorps monoclonal anti-CGRP sur le plan de l’efficacité en prévention de la migraine épisodique5. Bien que la neurotoxine botulinique ne soit pas aussi récente que les agents anti-CGRP, des données probantes à l’appui de son efficacité durable au fil du temps continuent de nous parvenir6, ce qui fait de ce traitement un outil important de l’arsenal 2023 des traitements préventifs de la migraine.

Le coût est-il vraiment un obstacle?

La Dre Tassorelli a cité des données européennes concernant l’impact économique des coûts de la migraine, lesquels découlent principalement de la fréquence des crises migraineuses et de l’incapacité résultante. Selon une étude récente, les économies annuelles associées à une réduction de 50 % du nombre de jours avec migraine par mois sont estimées à environ 2200 € par patient pour la migraine épisodique et à plus de 6500 € par patient pour la migraine chronique7. Analysé sous cet angle, le coût des traitements de pointe devrait constituer un obstacle moindre à leur adoption, précise la Dre Tassorelli.

Une approche rationnelle pour la prévention de la migraine 

Dans les pays où l’accès aux traitements préventifs de la migraine est limité, la Dre Tassorelli conseille de commencer par un médicament prophylactique oral traditionnel recommandé, selon le profil et la préférence du patient. En général, à moins d’une intolérance, le patient devrait essayer l’un de ces agents en monothérapie durant 5 à 6 mois, le temps de pouvoir juger de son efficacité. Chez certains patients, il faudra combiner des traitements préventifs oraux; à cet égard, la Dre Tassorelli conseille d’opter pour des agents dotés de modes d’action et de profils d’innocuité complémentaires.

Dans les pays où tous les traitements préventifs de la migraine sont commercialisés, la Dre Tassorelli suggère un essai en monothérapie de durée moindre (1 à 2 mois) afin d’évaluer l’efficacité des agents de première et de deuxième intention. Si ces agents ne sont pas assez efficaces ou sont mal tolérés, d’autres traitements, comme les anticorps monoclonaux anti-CGRP, les gépants ou la toxine botulinique, doivent être envisagés. Si certains patients répondent rapidement à ces traitements de pointe, d’autres y mettent plus de temps, surtout dans le contexte d’une migraine chronique; en pareil cas, la Dre Tassorelli suggère un essai d’au moins 3 mois pour évaluer l’efficacité. Si la réponse est inadéquate, on pourra essayer de changer de stratégie. L’association de traitements dotés de modes d’action différents pourrait aussi être envisagée.

Les anticorps monoclonaux anti-CGRP sont utiles en association car ils ne donnent pas lieu à des interactions médicamenteuses 

Le recours à un journal de crises migraineuses et/ou à des instruments d’autoévaluation peuvent servir à évaluer l’efficacité du traitement dans un contexte clinique usuel. Avant de conclure à l’échec d’un traitement préventif et de changer de stratégie, le clinicien doit revoir le diagnostic, réfléchir aux affections concomitantes qui pourraient nuire à la réponse au traitement et réévaluer la posologie et l’observance. La Dre Tassorelli souligne également l’importance d’éduquer les patients, notamment quant à l’utilisation appropriée des médicaments ponctuels pour le traitement des crises migraineuses et, par conséquent, à la réduction du risque de céphalée par abus médicamenteux.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. Lipton RB, Silberstein SD. Headache 2015;55 Suppl 2:103-22.
  2. Lampl C, et al. J Headache Pain 2023;24:56.
  3. Lipton RB, et al. Neurology 2020 ;94:e1365-77.
  4. Reuter U, et al. Cephalalgia 2022 ;42 :108-18.
  5. Eli Lilly. Available at https://investor.lilly.com/news-releases/news-release-details/first-its-kind-head-head-clinical-trial-reaffirms-efficacy. Accessed October 23, 2023.
  6. Garcia-Azorin D, et al. Toxins 2022 ;14 :850.
  7. Irimia P, et al. Eur J Neurol 2020;27:2616-24