Lors d’un débat animé dans le cadre du congrès 2022 hybride de l’AHS, à Denver, le Pr Dan Levy, Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston, a avancé que l’inflammation est un mécanisme de la douleur migraineuse, alors que le Pr Andrew Charles, University of California, Los Angeles, a soutenu la position inverse.
Les deux conférenciers se sont d’abord penchés sur la définition de l’« inflammation » dans le contexte de la migraine. Il n’y a ni infection détectable, ni réaction inflammatoire caractéristique, dont les signes incluent rougeur, chaleur et tuméfaction, en plus de la douleur1.
L’inflammation se prête à plusieurs interprétations
Il pourrait s’agir d’un processus stérile et physiologique rétablissant l’homéostasie par des mécanismes de signalisation de l’inflammation1. Des données précliniques obtenues au moyen d’inducteurs de la migraine semblent indiquer qu’une telle inflammation pourrait survenir dans les méninges2.
Les AINS sont les médicaments ponctuels les plus utilisés pour la migraine5, mais nombre de leurs effets ne sont pas liés à l’inflammation6
Si les méninges sont le siège de la douleur migraineuse, quels sont les mécanismes à l’œuvre? La dure-mère compte de nombreux types de cellules immunitaires chez la souris3 et il est probable que la dure-mère humaine comporte des types de cellules similaires et que chacun d’entre eux puisse intervenir. Par contre, les macrophages, tout au moins, ne semblent pas participer à l’inflammation dans le parenchyme cérébral de patients migraineux4.
Les anti-inflammatoires ont plus d’un mode d’action
Certains traitements utilisés contre la migraine pourraient attester d’un mécanisme inflammatoire; c’est le cas des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), qui sont les médicaments ponctuels les plus utilisés pour la migraine5. Cependant, outre leur action anti-inflammatoire, les AINS exercent d’autres effets tels qu’une réduction du flux sanguin cérébral, de la signalisation par le monoxyde d’azote, et du stress oxydatif; on ignore si l’un de ces facteurs influe sur la douleur migraineuse6.
Le dosage de marqueurs de l’inflammation chez des patients migraineux n’a révélé aucune différence comparativement aux témoins7
Manque de données cohérentes
Alors que de nombreuses études de faible envergure ont montré une élévation de marqueurs spécifiques de l’inflammation dans la migraine, aucun marqueur dans le sang ou le liquide céphalorachidien (LCR) n’a été systématiquement rapporté. Lors d’une étude sur un ensemble de marqueurs, aucune association n’a été mise en évidence chez des patients avec migraine7.
Une récente revue systématique de 20 études d’imagerie a objectivé des données variant selon le sous-type de migraine. Certaines données ont montré la présence d’une neuroinflammation au niveau du cortex cérébral chez les patients atteints de migraine avec aura8. Néanmoins, souligne le Pr Charles, la littérature ne fait état d’aucune définition uniforme de la « neuroinflammation ».
Les données issues des études d’imagerie varient selon le sous-type de migraine8
Dans la même revue, la migraine sans aura n’était pas associée à une rupture de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Cependant, une altération de la BHE, variable de substitution possible d’une neuroinflammation, a été observée dans la migraine hémiplégique, laquelle s’accompagne d’une aura atypique et prolongée. Étant donné la sensibilité limitée des méthodes employées, il est difficile de déterminer si la rupture de la BHE est due à l’inflammation ou à d’autres facteurs8.
Raffiner les études pour obtenir des données de plus grande qualité
Le manque de données probantes sur les marqueurs de l’inflammation dans la migraine serait-il dû au choix du site et du moment des prélèvements? Il est peu probable que des études générales aboutissent à des résultats spécifiques de la migraine. Par exemple, l’élimination des marqueurs dans le LCR pourrait survenir près des méninges9 , ce qui expliquerait que le prélèvement d’échantillons du LCR au niveau lombaire7 n’ait pas montré de variation des taux de marqueurs de l’inflammation.
Les marqueurs de l’inflammation dans le LCR pourraient être éliminés localement9 et ne pas être détectables par ponction lombaire
En ciblant plutôt les efforts sur des sites particuliers, comme le flux veineux méningé ou le réseau lymphatique cervical, à un moment précis, par exemple en début de crise, peut-être pourrions-nous obtenir des données plus concluantes.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.