La durée de psychose non traitée (DPNT) correspond à l’intervalle entre la manifestation du premier symptôme psychotique et l’instauration du traitement1. Un symposium tenu dans le cadre de la Conférence 2023 de la Schizophrenia International Research Society (SIRS) a exploré le lien entre la DPNT et le pronostic de la maladie.
Le biais de dépassement contribue-t-il à la DPNT?
Katherine Jonas, Ph.D. (Stony Brook University, États-Unis) a présenté les résultats du Suffolk County Mental Health Project, étude longitudinale sur la schizophrénie menée chez 287 patients atteints de schizophrénie ou d’un trouble schizoaffectif2. Les chercheurs ont utilisé les échelles PAS (Premorbid Adjustment Scale) et ÉGF (Évaluation globale du fonctionnement) pour évaluer le fonctionnement psychosocial. Ils ont constaté que le dysfonctionnement psychosocial des patients était similaire, quelle qu’ait été la DPNT. La différence était que chez les patients dont la DPNT avait été plus longue, le dysfonctionnement s’était surtout manifesté avant la première admission, alors que chez ceux dont la DPNT était plus brève, le dysfonctionnement s’était manifesté après la première admission. Les chercheurs ont conclu que la DPNT pourrait être plus utile que le fonctionnement psychosocial pour prédire le stade de la maladie2.
La durée de psychose non traitée pourrait être plus utile que le dysfonctionnement social pour prédire le stade de la maladie.
Une DPNT longue est associée à un rétablissement fonctionnel moins complet
Nikolai Albert, Ph.D. (Centre de recherche en santé mentale de Copenhague, au Danemark) et son équipe ont appliqué une approche statistique semblable à celle utilisée par Jonas et al. pour analyser les données issues d’une étude antérieure (OPUS)3. OPUS était un essai comparatif randomisé qui avait pour objectif d’évaluer l’effet d’une intervention précoce spécialisée comparativement au traitement de référence chez 578 patients ayant eu un premier épisode psychotique (PÉP)3. Albert et al. ont évalué la DPNT en se servant de l’IRAOS (entretien pour l’évaluation rétrospective du début de la schizophrénie) chez 496 patients. Ils ont également évalué le fonctionnement psychosocial au moyen des échelles PAS et ÉGF. Leur modèle a permis de découvrir que la DPNT n’était pas associée à la capacité fonctionnelle initiale et que le traitement était instauré lorsque la capacité fonctionnelle des participants était à son plus bas3. Chaque semaine supplémentaire de DPNT venait exacerber le dysfonctionnement, et les patients dont la DPNT était plus longue ne sont pas parvenus à un rétablissement fonctionnel aussi complet que celui les patients dont la DPNT était plus brève3.
Chaque semaine supplémentaire de DPNT vient exacerber le dysfonctionnement.
L’étude iHope
L’étude iHope-20 est une étude prospective de suivi sur 20 ans qui regroupe 171 personnes ayant eu un PÉP entre 1995 et 1999 à Dublin Sud, en Irlande4,5. À 20 ans, 80 des 171 personnes de la cohorte originale ont fait l’objet d’analyses aux fins de suivi. Les chercheurs ont utilisé trois instruments de mesure (échelle des symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie [PANSS], échelle ÉGF et échelle d’évaluation de la qualité de vie) et se sont livrés à des analyses de modèles mixtes afin d’examiner les liens entre les résultats au fil du temps. Leurs analyses ont révélé que la DPNT avait eu un impact indépendant sur l’issue à 20 ans5 et que le lien entre une DPNT plus brève et une amélioration plus marquée était encore évident 20 ans après le PÉP4. Donal O’Keeffe, Ph.D., a émis l’hypothèse voulant que l’abrègement de la DPNT puisse avoir des avantages cliniques pouvant durer plus de 20 ans après le PÉP4. À son avis, le traitement précoce pourrait aider à donner aux personnes « l’espace psychologique » nécessaire pour se rétablir; de plus, les prochaines études devraient adopter une approche biopsychosociale et faire en sorte que les indicateurs de résultats soient « définis en fonction de l’utilisateur »4.
L’abrègement de la DPNT pourrait avoir des avantages cliniques pouvant durer plus de 20 ans après le PÉP.
L’étude de Cavan-Monaghan sur le PÉP (CAMFEPS)
John Waddington, Ph.D. (Service de santé mentale des cantons de Cavan et de Monaghan, en Irlande) a présenté les résultats6 de CAMFEPS, étude qui visait à comparer les effets de la durée de la maladie non traitée (DMNT) à ceux de la DPNT sur l’issue à 7 ans pour 163 cas de PÉP en milieu rural en Irlande. La DMNT correspond à l’intervalle entre l’apparition des premiers symptômes visibles et l’instauration du traitement antipsychotique (vs DPNT, qui repose plutôt sur les premiers symptômes psychotiques visibles). Une DMNT plus longue et une DPNT plus longue annonçaient des symptômes négatifs plus sévères, une qualité de vie liée à la santé moindre, une capacité fonctionnelle moindre et une participation moindre à la prise en charge. Une DPNT plus longue – sans DMNT plus longue – annonçait des symptômes positifs et généraux plus sévères. Ni une DPNT plus longue ni une DMNT plus longue annonçaient un déclin cognitif plus sévère. Waddington et al. ont conclu que la prédiction constante de l’issue selon la DPNT au cours des 7 ans de l’étude infirme la théorie du biais de dépassement. Il a émis l’hypothèse voulant que l’abrègement de la DMNT puisse être associée à des diminutions plus constantes et plus marquées du déclin, comparativement à la DPNT.
Une DMNT plus longue et une DPNT plus longue annonçaient des symptômes négatifs plus sévères, une qualité de vie liée à la santé moindre, une capacité fonctionnelle moindre et une participation moindre à la prise en charge.
Par conséquent, l’impact réel de la DPNT sur l’issue de la psychose reste à déterminer. D’autres recherches prospectives s’imposent, et il faudra reproduire les résultats obtenus grâce à des méthodes uniformes d’analyse des données.
Our correspondent’s highlights from the symposium are meant as a fair representation of the scientific content presented. The views and opinions expressed on this page do not necessarily reflect those of Lundbeck.