Données probantes provenant du monde réel ou essais cliniques : qu’est-ce qui éclaire le mieux la pratique clinique?

Lors d’une séance scientifique du 16e European Headache Congress (EHC), lequel a eu lieu du 7 au 10 décembre 2022, à Vienne, en Autriche, des experts ont tenté de déterminer laquelle des deux méthodes suivantes guide le mieux la pratique clinique en matière de céphalées : essais comparatifs randomisés (ECR) ou données probantes provenant du monde réel (DPMR). Les DPMR peuvent contribuer à valider les résultats d’essais cliniques dans la pratique et apporter de l’information complémentaire sur l’efficacité des médicaments préventifs pour la migraine, surtout au sein de populations particulières encore mal représentées dans les essais cliniques.

Les DPMR diffèrent des résultats des ECR, mais ne sont pas inférieures

Le Dr Raffaele Ornello, L’Aquila, Italie, estime que les données probantes provenant du monde réel (DPMR) et les essais comparatifs randomisés (ECR) ne se font pas concurrence; ils sont complémentaires en fait. Les DPMR contribuent à évaluer l’efficacité des médicaments au sein de populations particulières non représentées dans les ECR, permettent de recueillir des données sur l’observance et l’innocuité à long terme, ainsi que de déterminer les prédicteurs de la réponse et les résultats pour les nouveaux traitements.

Les DPMR permettent de valider la mise en application de résultats d’ECR de haute qualité dans la pratique clinique, ajoute le Dr Ornello, et la collecte rigoureuse de DPMR permet de générer des hypothèses pour la recherche clinique et la recherche fondamentale. Les ECR sur les médicaments contre la migraine ciblent surtout des patients ayant un faible fardeau de morbidité, c.-à-d. les patients aux prises avec une migraine épisodique, un âge moyen de 40 ans et une ancienneté moyenne de la migraine de 20 ans. Dans les études où l’on collecte des données du monde réel, en revanche, la population type est aux prises avec une migraine chronique, l’âge moyen est de 50 ans et l’ancienneté moyenne de la maladie est de 30 ans1.

Souvent, les patients ayant un lourd fardeau de morbidité, les patients âgés et les patients aux prises avec une migraine chronique réfractaire sont mal servis et sous-représentés dans les essais cliniques.

Tendances du traitement par les AcM anti-CGRP dans le monde réel

La Dre Bianca Raffaelli, Berlin, Allemagne, considère pour sa part que si les ECR demeurent la méthode de référence en recherche clinique, les DPMR permettent de répondre aux questions toujours sans réponse après la tenue d’un ECR. La durée du traitement par un anticorps monoclonal dirigé contre le peptide relié au gène de la calcitonine (AcM anti-CGRP) en cas de réponse médiocre ou de bonne réponse est au nombre de ces questions sans réponse.

Dans son guide de pratique de 2022, la European Headache Federation (EHF) propose d’évaluer l’efficacité après au moins 3 mois consécutifs de traitement par un AcM anti-CGRP2. Il faut parfois plus de temps pour observer un bénéfice pertinent, de sorte que, chez certains patients, il pourrait être approprié d’attendre encore 3 mois avant de réévaluer le traitement3,4.

L'évaluation de l’efficacité de la prévention des épisodes migraineux devrait se faire après au moins 3 mois consécutifs de traitement, voire plus tard dans certains cas où il faut plus de temps pour observer un effet bénéfique pertinent.

Chez les patients qui répondent bien aux AcM anti-CGRP, on se demande combien de temps le traitement devrait se poursuivre. Dans son guide de pratique, l’EHF propose une pause après 12 à 18 mois de traitement continu2; cela dit, le traitement doit être repris si la migraine s’aggrave après la pause, comme en témoignent les DPMR5.

Chez les patients dont la réponse aux AcM anti-CGRP est inadéquate, l’essai d’un autre AcM pourrait être une option, à en juger par une étude ayant montré que 30 % des patients avaient répondu à un deuxième AcM anti-CGRP6.

Mieux vaut prévenir que guérir

Le Pr Hans Christoph Diener, Essen, Allemagne, a discuté du sous-groupe de patients aux prises avec une migraine chronique et une céphalée par abus médicamenteux (CAM), lesquels sont sous-représentés dans les ECR prospectifs et ont peu d’options de traitement. Certes, les médicaments ponctuels contre les céphalées ont leur utilité dans le traitement d’un épisode migraineux, mais l’utilisation moindre de ces médicaments ponctuels contre la céphalée est un objectif important de la médecine préventive si l’on aspire à éviter la CAM.

L’utilisation moindre de médicaments ponctuels contre la céphalée est un objectif important du traitement préventif de la migraine.

Des analyses post hoc d’ECR montrent que la réduction efficace du nombre de jours par mois avec migraine grâce au traitement préventif par un AcM anti-CGRP permet aux patients avec migraine chronique et CAM7,8 de réduire leur consommation de médicaments ponctuels. D’autres essais ciblant ce sous-groupe en particulier s’imposent.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. De Matteis et al. Ther Clin Risk Manag 2022;18:359-78.
  2. Sacco S, et al. J Headache Pain 2022;23:67.
  3. McAllister PJ, et al. Headache 2021;61(10):1553-61.
  4. Ornello R, et al. J Headache Pain 2020;21(1):32.
  5. Raffaelli B, et al. Cephalalgia 2022;42(4-5):326-334.
  6. Overeem L, e tal. Cephalalgia 2022;42(4-5):291-301.
  7. Diener H-C et al. Headache 2021;61:125-36.
  8. Cowan RP, et al. J Headache Pain 2022;23:115.