La migraine est une maladie neurologique très répandue et débilitante qui se manifeste par des crises douloureuses et d’autres symptômes incapacitants tels que les nausées et l’allodynie1. Les opioïdes sont communément prescrits pour le traitement ponctuel des douleurs migraineuses1,2. Cependant, la prise répétée d’opioïdes peut entraîner une hyperalgésie induite par les opioïdes (HIO) et une chronicisation de la migraine ou une céphalée par abus médicamenteux (CAM)3,4. Dans le cadre d’une communication au congrès 2024 de l’American Headache Society (AHS), Elizaveta Mangutov, doctorante et assistante de recherche, Amynah Pradhan Lab, Washington University School of Medicine in St. Louis, Missouri, a présenté les résultats de travaux récents explorant le potentiel de l’utilisation du système PACAPergique comme cible dans le traitement et la prévention de la migraine.
La prise d’opioïdes et son association avec la migraine chronique
Les opioïdes peuvent soulager les douleurs aiguës associées à la migraine, mais la prise répétée d’opioïdes peut entraîner une hyperalgésie induite par les opioïdes (HIO) et une chronicisation de la migraine ou une céphalée par abus médicamenteux (CAM)1,3,4. La CAM est une céphalée secondaire qui entraîne au moins 15 jours avec céphalée par mois et qui résulte de la surconsommation, pendant plus de 3 mois, d’un ou de plusieurs médicaments ponctuels contre la céphalée4. Essentiellement, le traitement de la CAM repose sur des stratégies préventives et l’arrêt de la médication, objectif difficile à atteindre; des études ont révélé qu’au cours de la première année suivant l’arrêt des opioïdes, de 20 à 50 % des patients recommencent à prendre leurs médicaments5,6.
Un besoin à combler : de meilleurs traitements pour la CAM et l’HIO
Le système PACAPergique
L’équipe du Pradhan Lab a mené plusieurs travaux précliniques visant à explorer le rôle du système PACAPergique dans l’HIO et la CAM associée aux opioïdes. Dans l’un des premiers essais, les chercheurs ont effectué des analyses protéomiques pour repérer des neuropeptides cibles intervenant dans l’HIO et la CAM. Ces analyses ont révélé une régulation à la hausse de l’activité du polypeptide hypophysaire activateur de l’adénylate cyclase (PACAP), ce qui place le PACAP au rang des candidats clés7.
Les chercheurs s’intéressent activement au PACAP comme cible thérapeutique dans la migraine
Le PACAP38 est un petit neuropeptide qui se lie au VPAC1, au VPAC2 et au PAC1, trois récepteurs distincts couplés aux protéines G8; il a une forte affinité pour le PAC19. On a montré que les récepteurs mu des opioïdes sont fortement coexprimés avec le PACAP et les récepteurs PAC1 dans des régions cérébrales clés du traitement de la douleur10, et que le PACAP, dont le taux augmente de manière endogène pendant une crise migraineuse, constitue une cible prometteuse dans le traitement de la migraine11,12. Mme Mangutov a présenté une série d’essais précliniques réalisés au Pradhan Lab au moyen de modèles murins, dont l’objectif était d’examiner de plus près le rôle du PACAP dans l’HIO et la CAM.
Rôle du système PACAPergique dans l’apparition de la céphalée et de la crise migraineuse
Le premier essai a révélé que l’antagonisme des récepteurs PAC1 bloque l’allodynie induite par la nitroglycérine (NTG), ce qui témoigne du rôle important des récepteurs PAC1 dans ce modèle7.
Ensuite, les chercheurs ont étudié le rôle des récepteurs PCA1 dans un modèle d’HIO chez des souris recevant un excipient ou de la morphine 2 fois par jour pendant 4 jours7. Une sensibilité accrue à la douleur a été relevée dans le groupe HIO comparativement au groupe témoin7. Cependant, l’antagonisme des récepteurs PAC1 a annulé cet effet, et la sensibilité à la douleur des souris HIO est revenue aux valeurs témoins7.
La signalisation de la douleur causée par la prise chronique d’opioïdes est assurée par les récepteurs PAC1, et peut être bloquée par un antagoniste des récepteurs PAC1
Le traitement par un anticorps anti-PACAP peut-il soulager la douleur dans la CAM associée aux opioïdes?
Dans la série subséquente d’essais, la possibilité de traiter la sensibilité accrue à la douleur par un anticorps (Ac) anti-PACAP a été étudiée dans un modèle de CAM associée aux opioïdes reflétant l’influence de ces derniers sur la physiopathologie de la migraine10. Le traitement par un antagoniste des récepteurs PAC1 a inhibé l’allodynie dans le groupe morphine + NTG, mais n’a eu aucun effet dans le groupe placebo10. Lors d’un essai similaire visant à déterminer si le traitement par un Ac anti-PACAP pouvait bloquer la CAM associée aux opioïdes, l’Ac anti-PACAP a efficacement diminué la sensibilité à la douleur chez les souris exposées à l’association morphine + NTG, ce qui indique que le blocage de la signalisation par le PACAP constitue une piste thérapeutique prometteuse.
Le traitement par un Ac anti-PACAP a soulagé la douleur dans un modèle de CAM associée aux opioïdes
Le traitement par un Ac anti-PACAP peut-il prévenir l’HIO et la CAM associée aux opioïdes?
Dans la dernière série d’essais (non publiés), on a cherché à déterminer si le traitement par un Ac anti-PACAP pouvait prévenir l’apparition d’une HIO ou d’une CAM associée aux opioïdes. Les chercheurs ont utilisé le modèle d’HIO pour comparer l’effet préventif d’un Ac anti-PACAP à celui d’un anti-CGRP (peptide relié au gène de la calcitonine), agent d’efficacité démontrée pour prévenir la migraine. L’Ac anti-PACAP s’est révélé d’une efficacité comparable à celle de l’anti-CGRP pour prévenir la douleur chez les souris recevant l’association morphine + NTG, ce qui corrobore indirectement le potentiel du traitement anti-PACAP dans la prévention de la CAM associée aux opioïdes.
Le blocage du PACAP s’est révélé d’une efficacité comparable au blocage du CGRP pour prévenir l’HIO et la CAM associée aux opioïdes
Conclusions et futures avenues de recherche
Il ressort des essais effectués au Pradham Lab que la prise chronique d’opioïdes conduit à une allodynie et que l’inhibition des récepteurs PAC1 permet de bloquer efficacement une migraine chronique et une HIO existantes. Fait important, ces résultats indiquent que, dans un modèle murin, le traitement par un Ac anti-PACAP peut efficacement réduire la fréquence d’une HIO et d’une CAM associée aux opioïdes et en prévenir l’apparition; en outre, ces données font valoir l’importance de recherches plus poussées sur le traitement anti-PACAP dans le cadre de futures études cliniques chez l’humain.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.