Le tableau clinique de la schizophrénie varie selon les patients, et le clinicien est souvent contraint d’adopter une approche thérapeutique par essais-erreurs adaptée à chaque cas, faute de moyens objectifs pour : i) cerner les caractéristiques du trouble; ii) guider le choix d’un traitement; et iii) prédire les résultats cliniques1. La Dre Nina Kraguljac (University of Alabama at Birmingham, É.-U.) se consacre à la recherche de biomarqueurs cliniquement pertinents pouvant aider à rendre compte de l’hétérogénéité clinique, à choisir un traitement approprié et à préciser le pronostic. Lors du Congrès 2023 de la Schizophrenia International Research Society (SIRS), qui s’est tenu à Toronto, au Canada, la Dre Kraguljac a présenté certains des travaux effectués à ce jour pour cerner d’éventuels biomarqueurs de neuroimagerie dans la schizophrénie2.
Neuroimagerie dans la psychose
La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) du cerveau de patients schizophrènes ne recevant pas de traitement médicamenteux a révélé qu’un grand nombre d’entre eux (mais pas tous) avaient des taux plus élevés de glutamate et glutamine comparativement à des témoins sains. Ces résultats viennent appuyer l’hypothèse glutamatergique de la schizophrénie1,2.
L’anisotropie fractionnelle (AF) du cerveau entier a objectivé des anomalies dans les faisceaux de substance blanche chez beaucoup de patients (mais pas tous) qui n’avaient jamais reçu d’antipsychotique et avaient connu un premier épisode psychotique (PÉP). Une relation a aussi été établie entre la durée de psychose non traitée et l’AF : plus la durée sans traitement était longue, plus l’AF était affectée (c.-à-d. plus la matière blanche était altérée). En outre, la réponse au traitement était positivement corrélée avec le degré d’intégrité de la substance blanche1,2.
L’anisotropie fractionnelle du cerveau entier a objectivé des anomalies dans les faisceaux de substance blanche chez beaucoup de patients qui n’avaient jamais reçu d’antipsychotique et avaient connu un premier épisode psychotique.
Cela dit, les schémas d’activation neuronale repérés dans les différents sous-groupes cliniques sont hétérogènes. Par conséquent, prévient la Dre Kraguljac, même si la comparaison des moyennes permet de cerner certaines tendances, elle n’est pas utile à l’analyse au niveau individuel.
Utilisation de modèles normatifs en neuroimagerie
En pédiatrie, la compilation de courbes de croissance est une pratique courante permettant de vérifier que le développement de l’enfant progresse à l’intérieur des plages de valeurs normales et, dans le cas contraire, de déterminer le nombre d'écarts types par rapport à ces valeurs. Cette approche, appelée modélisation normative, est maintenant appliquée à l’étude du cerveau grâce à de vastes jeux de données recueillies au fil des 20 dernières années.
La modélisation normative a donné lieu à d’importantes observations2. Par exemple, on a constaté que l’épaisseur corticale n’évolue pas de manière linéaire avec l’âge. Par ailleurs, le développement de chaque région cérébrale suit une trajectoire différente.
Il n’existe toujours pas de modèle normatif décrivant les microstructures cérébrales (p. ex. substance blanche, substance grise), mais la Dre Kraguljac et son équipe ont obtenu les fonds nécessaires pour réaliser ce projet.
Prédiction de la réponse au traitement
Les chercheurs se tournent maintenant vers la caractérisation cérébrale au niveau individuel pour en objectiver la pertinence clinique2. Par exemple, on a tenté de déterminer si le volume sous-cortical pouvait permettre de prédire la réponse aux antipsychotiques et constaté que le volume total n’était pas prédictif de la réponse; par contre, un plus faible volume du noyau caudé était associé à de meilleurs résultats. Des chercheurs ont aussi découvert que la présence d’anomalies structurales semblait refléter une altération du système dopaminergique et, par conséquent, pourrait être prédictive d’une réponse favorable au traitement. Un écart négatif plus élevé de l’épaisseur corticale par rapport aux valeurs de référence semblait être corrélé avec une moins bonne réponse au traitement.
La présence d’anomalies structurales semble refléter une altération du système dopaminergique et, par conséquent, pourrait être prédictive d’une réponse favorable au traitement
Futurs axes de recherche
La Dre Kraguljac conclut que « la modélisation normative est un outil formidable, parce qu’elle nous permet de préciser davantage ce qui est normal et, par le fait même, de déterminer plus exactement ce qui est anormal dans le cerveau de nos patients. »
Elle anticipe avec enthousiasme le développement de marqueurs diagnostiques ayant une valeur prédictive, lesquels seront utiles pour la mise au point de traitements ciblant des sous-types spécifiques de patients, le choix d’un traitement approprié et l’établissement d’un pronostic précis2.
« La modélisation normative est un outil formidable, parce qu’elle nous permet de préciser davantage ce qui est normal et, par le fait même, de déterminer plus exactement ce qui est anormal dans le cerveau de nos patients. »
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.