Nouvelles connaissances acquises au Canada sur le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) durant la pandémie de COVID-19

La prévalence des symptômes du TOC dans la population générale a augmenté au début de la pandémie de COVID-19, au point d’atteindre un niveau significativement plus élevé qu’avant la pandémie, selon une étude provinciale de l’Université de l’Alberta.

L’étude, que le Dr Adam Abba-Aji a présentée à la conférence de l’Association des psychiatres du Canada (APC) de 2022, a révélé que les personnes ayant eu des symptômes du TOC dès le début de la pandémie étaient plus susceptibles de ressentir beaucoup de stress, d’anxiété et de symptômes dépressifs1.

Le TOC et la pandémie de COVID-19

Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se définit par des obsessions envahissantes et des compulsions répétitives, souvent centrées sur un risque pour soi ou pour autrui2.

Le TOC peut devenir chronique s’il n’est pas traité, minant ainsi la qualité de vie de la personne atteinte et de son entourage, et entraînant d’importantes souffrances3. De plus, le TOC co-existe souvent avec d’autres troubles mentaux, notamment d’autres troubles anxieux et la dépression4.

La prévalence à vie du TOC est de l’ordre de 2 à 3 %5; cependant, la prévalence à vie d’un ou de plusieurs symptômes du TOC dépasse 25 % au sein de la population générale6.

L’interaction entre les gènes, l’environnement, les stresseurs de la vie et l’inquiétude excessive contribue à l’apparition d’un TOC7,8.

La pandémie de COVID-19 a entraîné beaucoup de stress, d’incertitude et d’inquiétude, surtout au tout début. « Peu de temps après l’arrivée de la COVID, les gens étaient stressés de voir la COVID sur tous les écrans et d’être bombardés d’information », poursuit le Dr Abba-Aji. « À ce moment-là, la maladie en tant que telle suscitait [aussi] beaucoup d’incertitude. »

« Les symptômes du TOC sont liés à des biais cognitifs de même qu’à une intolérance à l’incertitude. »

Diverses mesures et restrictions ont été mises en place pour circonscrire la propagation de l’infection à COVID-19. Par exemple, on demandait à la population de respecter la distanciation physique, de rester à la maison et d’éviter les rassemblements. Les autorités sanitaires recommandaient aussi au public de se laver les mains régulièrement et d’avoir une bonne hygiène pour éviter de contracter l’infection à COVID-19 ou de la propager.

Certes, ces mesures étaient essentielles à la lutte contre la COVID-19, « mais il a été démontré que de telles mesures de protection contre les maladies contagieuses peuvent causer des problèmes de santé mentale », souligne le Dr Abba-Aji. En outre, les inquiétudes constantes, pour soi et les membres de sa famille, constituent un autre facteur de risque de troubles mentaux durant une pandémie8.

Pourrait-on dire, donc, que les inquiétudes, les restrictions et l’obsession du lavage de mains ont entraîné l’apparition de symptômes du TOC chez un plus grand nombre de personnes?

Le Dr Abba-Aji et son équipe de chercheurs ont tenté de répondre à la question.

Précisions sur l’étude

Réalisée partout en Alberta en partenariat avec les Alberta Health Services, cette étude populationnelle reposait sur un sondage en ligne. Les chercheurs ont rejoint 32 805 personnes durant la dernière semaine de mars 2020 au moyen de textos. De ces personnes, 6041 (18,4 %) ont répondu au sondage.

Les questionnaires suivants ont été utlilisés pour le sondage:

  • l’échelle BOCS (Brief Obsessive-Compulsive Scale), qui mesure les symptômes du TOC;
  • l’échelle PSS (Perceived Stress Scale), qui mesure le niveau de stress;
  • l’échelle GAD-7 (Generalized Anxiety Disorder, 7 items), qui mesure la probabilité d’anxiété généralisée;
  • le PHQ-9 (questionnaire sur la santé du patient 9), qui mesure la probabilité d’un trouble dépressif majeur.

 

« Les résultats nous ont alarmés », affirme le Dr Abba-Aji.

  • Plus de la moitié des répondants (60,3 %) ont signalé des symptômes du TOC durant la pandémie de COVID-19. Ces personnes étaient plus susceptibles d’avoir un niveau élevé de stress, d’anxiété et de symptômes dépressifs durant la pandémie, comparativement aux patients qui ne présentaient pas de symptômes du TOC.

 

  • La moitié des répondants (53,8 %) étaient aux prises, en particulier, avec la compulsion de se laver les mains à répétition ou selon un rituel particulier durant la pandémie de COVID-19.  Les lavages de mains à répétition ou selon un rituel particulier étaient considérés comme un symptôme du TOC, selon l’étude. Ces personnes étaient aussi plus susceptibles de ressentir beaucoup de stress et de présenter des symptômes anxieux, comparativement aux personnes qui n’avaient pas la compulsion de se laver les mains.

Selon une étude menée auprès de 6000 Albertains, un plus grand nombre de personnes ont présenté des symptômes du TOC et se sont lavé les mains compulsivement au début de la pandémie de COVID-19.

Messages à retenir

Cette étude – qui vient une fois de plus étayer l’effet négatif de la pandémie de COVID-19 sur le bien-être psychologique des personnes – montre un pic de symptômes du TOC au sein de la population générale au tout début de la pandémie.

Ces résultats sont intéressants, certes, « mais [la prévalence accrue] des symptômes du TOC pourrait refléter la menace réelle que posait la COVID-19, reconnaît le Dr Abba-Aji. Il est possible que les symptômes [du TOC] disparaissent une fois la pandémie terminée. »

« Il nous faudra donc faire d’autres études pour déterminer la temporalité des symptômes du TOC et de la pandémie de COVID-19 une fois la pandémie terminée », conclut le Dr Abba-Aji.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

1.  Abba-Aji A, et al. International Journal of Environmental Research and Public Health. 2020;17(19):E6986.

2.  Drubach DA. Continuum. 2015 Jun;21(3 Behavioral Neurology and Neuropsychiatry):783-8.

3.  Fineberg NA, et al. European Neuropsychopharmacology. 2019;29(4):549-565.

4.  Lochner C, et al. Comprehensive Psychiatry. 2014;55(7):1513-1519.

5.  Karno M, et al. Archive of General Psychiatry. 1988;45(12):1094-1099.

6.  Ruscio AM, et a. Molecular Psychiatry. 2010;15(1):53-63.

7.  Cromer KR, et al. Behaviour Research and Therapy.  2007;45(7):1683-1691.

8.  López-Solà C, et al. British Journal of Psychiatry. 2016;208(1):26-33.