La migraine s’assure la part du lion de la couverture journalistique dans les médias populaires et les congrès de neurologie parce qu’elle est très répandue et que de récentes percées thérapeutiques ont vu le jour, notamment des agents bloquant le peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP). D’autres types de céphalée moins fréquents sont toutefois associés à un lourd fardeau de morbidité. Le 17 octobre 2023, lors d’une séance du Congrès mondial de neurologie (WCN) 2023 qui se tenait à Montréal, des sommités mondiales ont présenté leurs points de vue et les plus récentes données sur la céphalée de Horton, la céphalée par abus médicamenteux (CAM) et la céphalée associée à la COVID-19.
Céphalée de Horton
La Dre Rigmor H. Jensen, professeure de neurologie et directrice du Centre danois de la céphalée à Copenhague, s’est penchée sur le fardeau et la prise en charge de la céphalée de Horton, dite aussi « algie vasculaire de la face ». Les patients qualifient cette maladie d’intensément douloureuse et en font une description différente de celle des crises migraineuses. Plutôt rare (prévalence d’environ 0,1 %)1, la céphalée de Horton fait souvent l’objet d’un diagnostic erroné et d’une prise en charge inappropriée. L’une de ses principales caractéristiques distinctives est le sentiment d’agitation qu’elle entraîne, contrairement à la migraine qui oblige souvent la personne atteinte à s’allonger et à rester immobile. Au nombre des autres caractéristiques distinctives de la céphalée de Horton figurent l’apparition rapide des crises (en quelques minutes seulement), ce qui rend difficile l’instauration d’un traitement précoce, et sa chronobiologie. La céphalée de Horton survient souvent au petit matin (vers 1 h ou 2 h), et elle suit un schéma saisonnier (les crises sont inversement liées à la durée de la lumière du jour).
Surnommée « la migraine du suicide », la céphalée de Horton entraîne des douleurs extrêmement intenses
L’incapacité à reproduire les crises de céphalée de Horton dans des modèles animaux ou humains est l’une des difficultés auxquelles se butent les chercheurs. Par conséquent, il y a eu relativement peu d’avancées dans le traitement de la céphalée de Horton au cours des 15 dernières années, et les stratégies actuelles reposent encore sur des médicaments bien établis comme les stéroïdes, les inhibiteurs calciques, l’oxygénothérapie et les triptans. Des essais sont en cours pour évaluer le potentiel des anticorps monoclonaux anti-CGRP dans le traitement préventif de la céphalée de Horton épisodique ou chronique (chronique = survenue de crises persistantes pendant > 1 an sans rémission, ou avec rémission de < 3 mois sans médicament préventif2). D’autres cibles potentielles comme le polypeptide hypophysaire activateur de l’adénylate cyclase (PACAP) et le peptide intestinal vasoactif (VIP) sont à l’étude. La Dre Jensen a rappelé en guise de conclusion que de meilleurs traitements pour la céphalée de Horton font encore cruellement défaut.
Céphalée par abus médicamenteux (CAM)
Le Dr David Dodick, professeur émérite, Mayo Clinic Atrial Institute, a présenté de récentes données qui jettent un nouvel éclairage sur la prise en charge de la CAM. Un abus médicamenteux (AM) peut se produire sans que les critères de la CAM soient respectés. On estime en fait que près d’une personne sur cinq aux prises avec la migraine fait un usage abusif de médicaments ponctuels, mais les taux de CAM sont plus faibles3. Des études de cohorte ont permis de cerner quelques facteurs de risque importants de CAM, notamment la sévérité des crises, l’obésité, le tabagisme ainsi que les troubles anxieux et dépressifs concomitants. Le Dr Dodick souligne l’importance de repérer ces facteurs de risque dans la pratique clinique afin de réduire le risque de CAM, notamment par l’éducation des patients, les interventions non médicamenteuses et l’usage approprié des médicaments préventifs. Quelques gènes candidats et biomarqueurs protéomiques présentement à l’étude pourraient un jour aider à reconnaître tôt les personnes à risque plus élevé de CAM, mais ces études en sont à leurs balbutiements et nécessitent plus de recherches.
Des facteurs génétiques et la présence de biomarqueurs sériques et urinaires sont au nombre des facteurs de risque de CAM
Il y a une variabilité considérable entre les médicaments ponctuels quant au risque de CAM qui leur est associé. Dans le cas des composés contenant des barbituriques et des opioïdes, il peut suffire de 4 à 6 jours d’utilisation par mois pour provoquer une CAM. Les triptans, en revanche, sont associés à un risque de CAM beaucoup plus faible. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), pour leur part, pourraient même conférer un effet protecteur. À ce jour, les gépants sont les seuls médicaments ponctuels qui pourraient ne pas avoir le potentiel de causer une CAM.
Lorsqu’un médicament ponctuel est utilisé trop souvent, les professionnels de la santé pourraient envisager de passer à un gépant ou à un AINS
Des études de neuro-imagerie ont montré que la sensibilisation latente du système nerveux central associée à l’usage abusif de certains médicaments ponctuels est un important déterminant de la CAM4. Fait digne de mention, des agents anti-CGRP peuvent bloquer ces voies, ce qui explique en partie leur utilité dans le traitement et la prévention de la CAM5. D’autres sources semblent indiquer que l’usage abusif de certains médicaments ponctuels réduit le seuil de dépression corticale envahissante6, laquelle est connue pour être un substrat clinique de l’aura migraineuse. Enfin, l’abus de médicaments ponctuels peut nuire à l’inhibition des voies descendantes de la douleur, ce qui pourrait amplifier la nociception et alimenter la CAM7.
Des études de neuro-imagerie jettent un éclairage nouveau sur la physiopathologie de la CAM
En conclusion, le Dr Dodick a abordé l’une des controverses actuelles entourant la prise en charge de la CAM. Le sevrage (« détoxification ») et la prévention sont des stratégies efficaces pour la CAM, et nous avons des données probantes à l’appui d’une stratégie combinée sevrage-prophylaxie simultanés. Cela dit, la prévention sans sevrage peut également être très efficace. Le Dr Dodick préconise plus d’études pour déterminer la stratégie optimale de prise en charge de la CAM et orienter la personnalisation des stratégies dans certaines circonstances particulières (p. ex., chez les patients atteints d’anxiété concomitante).
Céphalée associée à la COVID-19
L’infection aiguë par le SRAS-CoV-2, le virus à l’origine de la COVID-19, a été associée à une myriade de symptômes, dont la céphalée. La Dre Amanda Macone, neurologue et spécialiste de la céphalée, Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston, a présenté quelques découvertes sur les caractéristiques et la physiopathologie de la céphalée associée à la COVID-19 ainsi que sur les céphalées associées à la vaccination.
Les céphalées sont souvent associées aux infections virales, notamment par les virus grippaux et d’autres coronavirus. Durant la phase aiguë de la COVID-19, la céphalée semble plus fréquente chez les femmes et les jeunes, et elle apparaît typiquement dans un délai de 24 heures suivant l’infection. À en juger par certaines données, les personnes souffrant de céphalées primaires sont plus sensibles à la céphalée associée à la COVID-19 que les personnes n’en souffrant pas, et la céphalée associée à la COVID-19 diffère de leurs céphalées habituelles : entre autres, la céphalée associée à la COVID-19 apparaît plus tôt, persiste plus longtemps, est plus intense et résiste davantage aux médicaments ponctuels typiques.
Durant la phase aiguë de la COVID-19, la céphalée est souvent un signe précoce d’infection
Bien que la physiopathologie de la céphalée associée à la COVID-19 n’ait pas encore été totalement élucidée, de multiples mécanismes ont été proposés, notamment l’invasion virale directe des systèmes nerveux périphérique et central, une réponse inflammatoire (choc cytokinique associé à une COVID-19 sévère), et une réponse auto-immune. Des étiologies secondaires liées à la maladie virale ont également été proposées : fièvre, hypoxie, déshydratation, perturbations métaboliques et facteurs psychosociaux extérieurs liés au confinement, comme le stress et les perturbations du sommeil.
De manière anecdotique, la céphalée peut être un symptôme résiduel persistant de la COVID-19 chez de nombreuses personnes. Les céphalées persistantes semblent plus fréquentes chez les personnes dont les céphalées sont sévères durant la phase aiguë de la COVID-19 et chez les femmes, et elles peuvent co-exister avec d’autres symptômes persistants, dont la fatigue, le brouillard mental et la dyspnée.
Environ 30 % des personnes font état d’une céphalée liée à la vaccination contre la COVID-198
La Dre Macone a discuté brièvement des céphalées liées à la vaccination contre la COVID-19, lesquelles sont généralement d’intensité moindre, durent moins de 24 heures et répondent mieux aux analgésiques. Le type de vaccin administré peut aussi influer sur le risque de céphalée.
La COVID-19 continue de faire l’objet d’intenses recherches, et la Dre Macone estime que notre compréhension de la céphalée associée à la COVID-19 continuera d’évoluer dans les années à venir.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.