Jeux vidéo et psychose : Enjeux et possibilités

Le Congrès 2023 de la Schizophrenia International Research Society (SIRS) a réuni des chercheurs universitaires et des représentants de l’industrie du jeu vidéo afin d’explorer les liens possibles entre la pratique de jeux vidéo et la psychose, et l’intérêt du jeu vidéo comme outil d’intervention précoce dans la psychose.

Lien de causalité entre pratique de jeux vidéo et expériences psychotiques : le sens de l’association reste à éclaircir

Les personnes qui avaient tendance à faire une consommation importante de médias sociaux avaient aussi tendance à avoir plus d’expériences psychotiques.

Le Dr Vincent Paquin (Université McGill, Canada) a ouvert la séance en présentant les résultats d’une étude longitudinale1 réalisée au Québec, d’où il est originaire. Le Dr Paquin et son équipe ont recruté 425 participants de 18 à 25 ans (dont 82,5 % étaient de sexe féminin), lesquels ont rempli des questionnaires à trois reprises sur une période de 9 mois. Ainsi, au terme de chaque intervalle de 3 mois, les participants évaluaient leur consommation de médias numériques (télévision, plateformes de diffusion en continu, médias sociaux et jeux vidéo) et, au moyen de l’échelle CAPE (Community Assessment of Psychic experiences) à 15 items, toute expérience psychotique survenue au cours de la même période. Bien que les résultats aient révélé un lien entre la pratique de jeux vidéo et la survenue d’expériences psychotiques à l’échelle interindividuelle, le lien ne s’est pas vérifié à l’échelle intra-individuelle. Le Dr Paquin et son équipe en déduisent que la pratique de jeux vidéo n’est pas un facteur causal de psychose, mais simplement que les personnes qui avaient tendance à faire une consommation importante de médias numériques avaient aussi tendance à avoir plus d’expériences psychotiques.

Bien que les résultats aient révélé un lien entre la pratique de jeux vidéo et la survenue d’expériences psychotiques à l’échelle interindividuelle, le lien ne s’est pas vérifié à l’échelle intra-individuelle.

Représentation de la maladie mentale dans les jeux vidéo

La Dre Manuela Ferrari (Université McGill, Canada) a présenté les résultats d’une revue2 réalisée en 2019 afin de cerner la représentation de la maladie mentale dans les jeux vidéo. Parmi les 100 jeux vidéo retenus aux fins de l’analyse, 97 relayaient une image très négative de la maladie mentale, l’associant à la violence, à la peur, à la folie et au désespoir.

Les jeux vidéo relaient une image très négative de la maladie mentale, l’associant à la violence, à la peur, à la folie et au désespoir.

En 2022, la Dre Ferrari a mené une autre revue visant à repérer des jeux vidéo potentiellement utiles dans un contexte clinique comme outils de promotion, de prévention ou d’éducation en matière de santé mentale3. Avec son équipe, elle a répertorié 38 études faisant état d’une amélioration importante d’une ou de plusieurs variables clés liées à la santé mentale. Ainsi la Dre Ferrari se déclare-t-elle optimiste quant au potentiel d’interventions vidéoludiques dans le traitement d’un large éventail de troubles de santé mentale et d’abus de substances.

Le jeu vidéo pourrait être utilisé dans un contexte clinique comme outil de promotion de la santé mentale.

Jeux vidéo à visée éducative

La Dre Suzanne Archie (McMaster University, Canada) fait écho aux propos de ses collègues quant aux bénéfices potentiels du jeu vidéo dans la psychose. Elle souligne les résultats de recherches montrant que l’incidence des troubles psychotiques en Ontario est plus élevée chez les immigrants des Caraïbes4, et que l’usage problématique de cannabis est fréquent chez les Canadiens de culture caribéenne5; or, l’usage de cannabis est associé à une incidence accrue de psychose6. La Dre Archie et son équipe ont conçu une série de jeux vidéo intitulée Back to Reality, dont l’objectif est d’éduquer les jeunes sur la psychose, l’usage du cannabis et les voies d'accès aux soins7. Parmi neuf jeunes Noirs ayant suivi les tutoriels vidéo, on a relevé une augmentation significative du score du questionnaire sur le cannabis et la psychose (Psychosis and Cannabis Test quiz). La Dre Archie propose d’utiliser le jeu vidéo pour éduquer les jeunes à risque sur l’usage du cannabis, la psychose et les voies d’accès aux soins.

Le jeu vidéo peut être utilisé pour éduquer les jeunes à risque sur l’usage du cannabis, la psychose et les voies d’accès aux soins.

Clôturant la séance, Mme Améliane Chiasson, responsable de l’accessibilité dans une multinationale de jeux vidéo, déclare espérer que l’industrie et les universités pourront collaborer de plus près afin de promouvoir des univers vidéoludiques sûrs, conviviaux et sains pour tous les usagers.

 

Références

  1. Paquin V, Phillipe FL, Shannon H et al. Associations between digital media use and psychotic experiences in young adults of Quebec, Canada: a longitudinal study. 2022. Available online at https://psyarxiv.com/458zg/download?format=pdf.
  2. Ferrari M, McIlwaine SV, Jordan G et al. Gaming With Stigma: Analysis of Messages About Mental Illnesses in Video Games. JIMR. 2019;6(5): e12418.
  3. Ferrari M, Sabetti J, McIlwaine SV et al. Gaming My Way to Recovery: A Systematic Scoping Review of Digital Game Interventions for Young People’s Mental Health Treatment and Promotion. Front. Digit. Health. 2022;4:814248.
  4. Anderson KK, Cheng J, Susser E et al. Incidence of psychotic disorders among first-generation immigrants and refugees in Ontario. CMAJ. 2015;187(9).
  5. Tuck A, Hamilton HA, Agic B. Past year cannabis use and problematic cannabis use among adults by ethnicity in Ontario. Drug and Alcohol Dependence. 2017;179:93-99.
  6. Alcover KC, Oluwoye O, Kriegel L et al. Impact of First Episode Psychosis on Heavy Cannabis Use: Secondary Analysis on RAISE-ETP Study. Schizophr Res. 2019;211:86-87.
  7. Chiu J & Archie S. 'Back to Reality' Series Psychoeducational Video Games For Increasing Knowledge of Psychosis Associated with Marijuana Use – A Student Project. Psynapse. 2020;4(1):Issue 4.