Les caractéristiques démographiques et biologiques du patient, l’environnement et les traitements antérieurs influent à la fois sur le risque d’apparition d’un épisode migraineux et sur le risque de chronicisation de la migraine épisodique. Bien que l’âge, le sexe et les antécédents familiaux soient des facteurs non modifiables, la nature et l’efficacité du traitement de la migraine – de même que sa capacité à infléchir le cours naturel de la maladie – sont des facteurs que nous pouvons modifier.
Les facteurs de risque d’apparition d’un épisode migraineux et les facteurs de risque de chronicisation de la migraine épisodique se chevauchent, mais ne sont pas identiques, a expliqué la Dre Stephanie Nahas (Thomas Jefferson University, Philadelphie, Pennsylvanie, É.-U.) lors d’un entretien avec Amy Mowbray, représentante des patients, durant le Sommet mondial de la migraine de 20231.
La chronicisation est-elle évitable?
La migraine est une maladie chronique, mais un diagnostic formel de migraine chronique se définit par au moins 15 jours par mois perturbés par une céphalée (dont au moins 8 sont traités comme des épisodes migraineux) pendant au moins 3 mois, poursuit la Dre Nahas.
Le recours abusif aux médicaments ponctuels risque d’entraîner la chronicisation
Au chapitre du risque de chronicisation de la migraine, un nombre élevé de jours avec céphalée au départ est un facteur : le risque commence à augmenter chez les personnes ayant plus d’un épisode par semaine.
Il en va de même pour le recours abusif aux médicaments ponctuels, en particulier les triptans (s’ils sont utilisés plus d’une dizaine de jours par mois) et les opioïdes. Cela dit, la vulnérabilité à la chronicisation de la migraine résultant d’un usage très fréquent de médicaments ponctuels varie grandement d’une personne à l’autre, insiste la Dre Nahas.
Au nombre des facteurs de risque d’apparition de la migraine et plus précisément de la migraine épisodique figurent l’anxiété ou la dépression concomitante, de même que des maladies comme l’asthme et l’obésité. Une insomnie mal maîtrisée, peut-être à cause d’apnées du sommeil, augmente le risque de migraine – tout comme l’hypermobilité articulaire affecte le cou
Les effets indésirables dus à l'absence de traitement dès le début des épisodes migraineux sont au nombre des facteurs de risque évitables, ajoute la Dre Nahas. Bien que la maladie s’installe souvent durant l’enfance, les possibilités d’intervention précoce efficace sont souvent ratées du fait que les plaintes de l’enfant ne sont pas toujours prises au sérieux et que le diagnostic de migraine est stigmatisé.
Il ressort toutefois que le sexe et l’âge sont les facteurs de risque les plus clairs. La prévalence de la migraine atteint un sommet chez la femme de 25 à 45 ans, le ratio femmes:hommes étant alors de 3:1.
Amélioration après la ménopause? La patience est de mise
Hormones – stabilité ou chaos?
Les fluctuations hormonales naturelles peuvent déclencher l’apparition d’un épisode migraineux durant le cycle menstruel régulier. Leur rôle en tant que facteur de risque d’épisode migraineux est particulièrement évident durant la périménopause, lorsque les taux d’œstrogènes fluctuent frénétiquement et que la progestérone n’est produite que durant l’ovulation, alors irrégulière et peu fréquente, explique la Dre Ann MacGregor (St. Bartholomew’s Hospital, Londres, Royaume-Uni).
Indépendamment des hormones sexuelles, des saignements menstruels abondants et douloureux durant la périménopause sont associés à une libération accrue de prostaglandines, lesquelles peuvent aussi déclencher un épisode migraineux.
Pour en revenir aux hormones sexuelles : on pourrait s’attendre à ce que les taux d’œstrogènes postménopausiques faibles et relativement stables réduisent le risque d’apparition d’un épisode migraineux. C’est souvent le cas, mais la Dre MacGregor y va de deux mises en garde. Tout d’abord, l’arrêt de la production ovarienne d’œstrogènes (contrairement à la cessation de l’ovulation) est graduel – sur cinq ans, peut-être – si bien que la patience est de mise avant que le fardeau des céphalées s’allège.
Deuxièmement, bien que le nombre d’épisodes migraineux sans aura diminue, la migraine avec aura – dont l’étiologie est différente – pourrait ne pas s’améliorer après la ménopause; en fait, elle pourrait se manifester pour la première fois après la ménopause.
Selon des données recueillies par les patients, le stress est l’un des principaux facteurs de risque
Migraine Buddy est l’application la plus utilisée par les personnes aux prises avec la maladie. Elle compte 3,3 millions d’utilisateurs inscrits, et le japonais est la langue la plus utilisée, derrière l’anglais, sur la plateforme, explique François Cadiou, créateur de l’application.
Sa vaste portée – elle est utilisée partout dans le monde – génère de très grandes quantités de données, mais la mise en évidence de schémas significatifs est une tâche ardue. Que d’efforts, par exemple, pour comprendre les raisons pour lesquelles la météo – en particulier une chute de la pression atmosphérique – est un facteur de risque.
Peut-être les épisodes migraineux apparaissent-ils chez certaines personnes durant certaines saisons dans certaines parties du monde, mais tout effet potentiel de la pression atmosphérique est difficile à dissocier de celui de la température, de l’humidité et des rayons ultraviolets, affirme Francois Cadiou. De plus, tout effet des facteurs déclenchants, seuls ou en association, est probablement très individuel.
Au chapitre des aliments en cause, on observe la même absence d’effet constant et prévisible : les éventuels facteurs déclenchants sont très difficiles à dissocier des préférences alimentaires anormales découlant du dysfonctionnement cérébral durant le prodrome.
Cela dit, Francois Cadiou est raisonnablement certain que les données tirées de Migraine Buddy étayent le rôle du stress lié au travail en tant que facteur de risque. C’est ce que nous pouvons déduire de la chute annuelle du nombre d’épisodes migraineux pendant environ 3 jours autour du 20 décembre, au début du congé des fêtes. De même, durant la pandémie de COVID-19, lorsque les gens se sont mis à travailler de la maison, le nombre d’épisodes migraineux a chuté.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.