Il est déjà bien accepté que divers facteurs génétiques et environnementaux interviennent dans le risque de psychose, mais nous avons une compréhension incomplète de l’interaction complexe de ces deux types de facteurs. Des chercheurs ont émis l’hypothèse voulant que le stress oxydatif soit le point de convergence physiopathologique qui relie les voies de l’inné et de l’acquis (nature vs nurture) et le risque de schizophrénie. Durant un symposium scientifique intitulé « Redox, glutamate and oxidative stress in the pathogenesis of psychiatric disorders: From genetic to novel drug target », la Pre Kim Do, Université de Lausanne, en Suisse, a discuté des effets de la dysrégulation des voies redox sur les interneurones à parvalbumine dans le cortex préfrontal et de la prédisposition génétique à la schizophrénie. Elle a aussi parlé de deux biomarqueurs cérébraux nouvellement identifiés qui pavent la voie à la psychiatrie de précision.
Le stress oxydatif est « à la croisée des chemins » dans la physiopathologie de la schizophrénie
Dans les études précliniques sur la physiopathologie de la schizophrénie, les chercheurs observent systématiquement un dysfonctionnement des interneurones à parvalbumine (IPV) corticaux1. Récemment, il a été démontré que le stress oxydatif est une voie commune où les gènes et les stimuli environnementaux peuvent mener au dysfonctionnement des IPV en générant des dérivés réactifs de l’oxygène, reconnus pour être nocifs.
Approche translationnelle inversée : des voies mécanistiques au score de risque génétique
Si les chercheurs se tournent généralement vers les études d’association pangénomique pour formuler des hypothèses mécanistiques, la Pre Do et ses collaborateurs ont plutôt opté pour une approche translationnelle inversée afin d’examiner la prédisposition génétique associée aux voies redox impliquées dans la psychose. L’équipe de la Pre Do a d’abord repéré les gènes, variants et éléments de régulation pertinents intervenant dans les voies redox, puis ont cherché des polymorphismes mononucléotidiques (SNP) et repéré des loci de caractères quantitatifs d’expression (eQTL) dans chacune des voies de manière à générer un score de risque polygénique associé au premier épisode psychotique (PÉP).
Le stress oxydatif et la neuro-inflammation alimentent les interactions gènes- environnement
L’étape suivante consistait à valider le score de risque polygénique chez les patients avec PÉP. Deux cohortes de patients ont été analysées : celle du programme TIPP (traitement et intervention précoce dans les troubles psychotiques) de Lausanne, en Suisse, qui regroupait 208 patients avec PÉP et 132 témoins appariés; et celle du PAFIP, le programme de la Cantabrie sur les PÉP en Espagne, qui regroupait 224 patients avec PÉP et 128 témoins appariés. Ces cohortes ont montré l’existence d'une exacerbation marquée des voies du stress oxydatif et de la neuro-inflammation chez les patients avec PÉP comparativement aux témoins en santé.
Biomarqueurs des dysfonctions mitochondriales dans la schizophrénie
La Pre Do a enchaîné avec la recherche récente sur les dysfonctions mitochondriales dans la schizophrénie. Les IPV dysfonctionnels se caractérisent par une fréquence de décharge augmentée qui contribue à la dyssynchronie neuronale et à la perturbation de processus cognitivo-comportementaux souvent observés chez les patients vivant avec la schizophrénie1. Les IPV dysfonctionnels sont riches en mitochondries pour alimenter les besoins métaboliques de cette activité accrue, ce qui pourrait les rendre plus sensibles au stress oxydatif. Dans un modèle murin de vulnérabilité redox, le stress oxydatif accru a été associé à une régulation à la hausse de miR-137 et à une réduction de COX6A2, deux biomarqueurs sanguins des dysfonctions mitochondriales.
Le stress oxydatif accru a été associé à une régulation à la hausse de deux biomarqueurs mitochondriaux
La Pre Do et ses collaborateurs ont eu recours à des exosomes cérébraux de patients avec PÉP afin de transposer ces observations précliniques chez l’humain. À l’aide d’une analyse de partition, ils ont constaté que les biomarqueurs miR-137 et COX6A2 permettaient, avec beaucoup d’exactitude, de repérer une population de patients avec PÉP à risque élevé de dysfonctions mitochondriales. Une analyse de corrélation a confirmé que ces biomarqueurs étaient associés à une détérioration de la cognition, des résultats socio-fonctionnels et de la psychopathologie.
Les biomarqueurs pourraient servir à déterminer l’intervention appropriée chez le patient approprié au moment approprié, par opposition à une approche universelle classique
La Pre Do a formulé l’hypothèse voulant que l’on puisse utiliser les molécules exosomales miR-137 et COX6A2 comme biomarqueurs pour repérer un sous-groupe de patients avec PÉP qui pourraient bénéficier d’un traitement antioxydant ciblant les mitochondries. Elle a conclu en affirmant que ce travail représente une étape prometteuse vers la psychiatrie de précision, dans le cadre de laquelle les biomarqueurs pourraient servir à déterminer l’intervention appropriée chez le patient approprié au moment approprié, par opposition à une approche universelle classique.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.