La dépression et l’anxiété contribuent largement à l’incapacité associée à la migraine

Le 10 octobre 2023, l’Organisation mondiale de la Santé invite les gens et les communautés à se rallier autour du thème de la Journée mondiale de la santé mentale de 2023 : « La santé mentale est un droit humain universel ». Ce droit inclut le droit à la protection contre les risques de santé mentale, ce qui est particulièrement pertinent pour les personnes vivant avec la migraine compte tenu du risque accru de dépression et d’anxiété auquel elles sont exposées, et des lourdes conséquences de ces affections concomitantes sur l’incapacité liée aux céphalées et sur la qualité de vie. Ces associations négatives ont été clairement démontrées dans une sous-analyse de l’étude CaMEO (Chronic Migraine Epidemiology and Outcomes) publiée par Richard B. Lipton et ses collaborateurs dans la revue Headache1.

Plusieurs études épidémiologiques ont déjà souligné la coexistence fréquente de la dépression et de l’anxiété et le fardeau qu’elles imposent aux personnes vivant avec la migraine, en particulier celles qui souffrent de migraine chronique (MC). Cependant, les associations bidirectionnelles entre la dépression/l’anxiété et l’incapacité n’ont pas été évaluées expressément chez les personnes aux prises avec la migraine. L’étude CaMEO avait pour objectif de caractériser les symptômes et la sévérité des céphalées, l’incapacité résultante, les affections concomitantes et d’autres variables au sein d’un vaste échantillon représentatif d’Américains aux prises avec la migraine. Dans le cadre d’une sous-analyse de l’étude, les chercheurs se sont penchés sur les associations entre la dépression ou l’anxiété (ensemble ou séparément), d’une part, et l’incapacité découlant de la migraine, d’autre part, après prise en compte de la fréquence des céphalées, afin de repérer les besoins à combler et d’aider à orienter la planification de traitement.

L’étude CaMEO regroupait aux États-Unis 16 788 personnes aux prises avec la migraine qui ont participé à une enquête sur Internet   

Le risque de dépression et d’anxiété est plus élevé chez les personnes aux prises avec une MC

Globalement, 32 % des participants répondaient aux critères cliniques de dépression et 30 % répondaient aux critères d’anxiété, à en juger par le score sur deux échelles d’autoévaluation validées (score PHQ-9 [questionnaire sur la santé des patients, 9 items] ≥ 10 et score GAD-7 [échelle d’anxiété généralisée, 7 items] ≥ 10), et 23 % répondaient aux critères cliniques des deux troubles psychiatriques. Comme des études antérieures l’avaient déjà montré, la prévalence de la dépression et celle de l’anxiété étaient significativement plus élevées dans le sous-groupe des répondants aux prises avec une MC (57 % et 48 %) que dans celui des répondants aux prises avec une migraine épisodique (30 % et 28 %).

La dépression et l’anxiété affectaient chacune un tiers des personnes avec migraineMC ; et près du quart des répondants souffraient des deux.

Les taux d’incapacité modérée à sévère liée aux céphalées selon le score MIDAS (échelle d’évaluation du caractère invalidant de la migraine) (≥ 11) étaient significativement plus élevés chez les personnes souffrant de dépression (52 %) ou d’anxiété (43 %) ou des deux (61 %) que chez les personnes ne souffrant ni de dépression ni d’anxiété (28 %). Le score MIDAS augmentait parallèlement au nombre de jours avec céphalée par mois, ce qui semble indiquer l’existence d’un continuum de l’incapacité  associé à la présence de dépression ou d’anxiété. L’âge avancé, le sexe masculin et l’ethnie caucasienne étaient des facteurs de protection contre l’impact négatif de la dépression et de l’anxiété sur  l’incapacité liée à la migraine.  

L'incapacité liée à la migraine était plus marquée en présence de dépression et (ou) d’anxiété

Implications cliniques et approches thérapeutiques

Comme CaMEO était une étude longitudinale avec modules transversaux, elle a permis aux chercheurs de faire des inférences au sujet des associations entre les troubles psychiatriques concomitants et l’incapacité liée à la migraine, mais pas d’établir un lien de causalité. Elle vient donner du poids aux études antérieures qui soulignaient la coexistence fréquente de la migraine et de troubles psychiatriques concomitants, mais les contributions individuelles de la dépression et de l’anxiété à l’incapacité liée à la migraine et les mécanismes qui sous-tendent ces associations ne sont pas encore totalement élucidés.

Néanmoins, les auteurs ont proposé deux approches potentielles pour atténuer l’incapacité liée à la migraine chez les personnes aux prises avec une dépression et (ou) une anxiété concomitante(s). La première approche consiste à réduire la fréquence des céphalées au moyen d’un traitement approprié de la MC, notamment des interventions pharmacothérapeutiques et (ou) comportementales comme la thérapie cognitive. La seconde approche consiste à reconnaître et à traiter la dépression et (ou) l’anxiété chez les personnes aux prises avec la migraine. Il serait aussi logique que l’incapacité liée aux céphalées puisse s’atténuer davantage si l’on s’attaquait à la fois à la fréquence des céphalées et à la dépression et (ou) à l’anxiété.

La réduction de la fréquence des céphalées et le soulagement des symptômes dépressifs et anxieux pourraient diminuer la sévérité de l’incapacité liée à la migraine

De l’avis des auteurs de l’étude, les résultats de cette sous-analyse de CaMEO renforcent la pertinence, dans la prise en charge de la migraine, d’une démarche holistique qui cible à la fois l’incapacité liée aux céphalées, la qualité de vie et les troubles psychiatriques concomitants  . En cette Journée mondiale de la santé mentale, n’oublions pas l’importance de reconnaître et de traiter la dépression et l’anxiété qui affligent les personnes aux prises avec la migraine.  

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. Lipton RB, et al. Headache. 2020;60:1683-1696.