Dans le cadre du 35e Congrès du European College of Neuropsychopharmacology (ECNP), qui a eu lieu du 15 au 18 octobre à Vienne, en Autriche, lors d’un symposium intitulé « Le fonctionnement comme objectif de traitement du trouble dépressif majeur (TDM) : Comment améliorer les résultats? », le Pr Raymond Lam (University of British Columbia, Canada) a fait valoir que le rétablissement du TDM, auparavant défini comme la disparition des symptômes dépressifs, s’étend aujourd’hui à la capacité fonctionnelle et à la qualité de vie. La présence concomitante d’un TDM et d’une anxiété généralisée (AG), observée chez environ un tiers des patients ayant reçu un diagnostic soit de TDM, soit d’AG, influe particulièrement sur le rétablissement fonctionnel et complique le traitement. Le Pr Andrea Fagiolini (Università degli Studi di Siena, Italie) a expliqué que certains antidépresseurs peuvent améliorer la capacité fonctionnelle dans le traitement du TDM. Cependant, peu d’entre eux ont fait l’objet d’études chez les patients atteints de TDM/AG concomitants, et il faudra poursuivre la recherche afin de cerner les meilleurs traitements permettant d’améliorer les résultats fonctionnels chez les personnes touchées.
Rétablissement fonctionnel dans le TDM
En 2017, l’Organisation mondiale de la Santé a estimé que, sur la planète, 322 millions de personnes vivaient avec un trouble dépressif majeur (TDM), lequel vient au premier rang des causes médicales d’incapacité1. Récemment, on a estimé que pendant la pandémie de COVID-19, toujours à l’échelle mondiale, les diagnostics de TDM avaient augmenté de 27,6 %2. Ces chiffres viennent renforcer l’appel à une « action concertée contre la dépression » lancé par la Commission du Lancet et de la World Psychiatry Association3.
Les objectifs clés dans le TDM sont centrés sur le rétablissement fonctionnel4
« Au fil des ans, la définition du rétablissement a évolué, estime le Pr Lam. Pendant ma formation, nous visions la résolution du syndrome. » Par la suite, le traitement a plutôt été axé sur la rémission symptomatique, soit la disparition des symptômes dépressifs. « Aujourd’hui, nous avons comme objectif de rétablir la capacité fonctionnelle5. » Les personnes atteintes d’un TDM définissent la rémission d’abord par une santé mentale positive (p. ex. l’optimisme), le sentiment d’être « redevenu soi-même » et le retour à leur capacité fonctionnelle habituelle. L’absence de symptômes dépressifs est reléguée au second plan5. Aussi les guides de pratique citent-ils aujourd’hui comme objectifs le rétablissement complet de la capacité fonctionnelle et la qualité de vie, parallèlement à la prévention de la récurrence des symptômes4.
Durant la phase initiale, pour assurer la rémission des symptômes et le rétablissement fonctionnel, le clinicien doit établir une alliance thérapeutique avec son patient et l’informer de la nature de sa maladie, afin qu’ensemble, ils puissent sélectionner un traitement et surveiller les progrès obtenus. Pendant le traitement d’entretien, les besoins additionnels incluent la réadaptation, le traitement de la comorbidité et la surveillance d’une éventuelle récidive. Cependant, prévient le Pr Lam, « le traitement de la dépression se heurte à divers obstacles, dont les symptômes résiduels, les effets indésirables, les facteurs de stress liés à l’environnement, les problèmes interpersonnels et la comorbidité. »
La présence concomitante du TDM et de l’AG peut avoir un impact fonctionnel
Environ un tiers des patients recevant un diagnostic de TDM recevront aussi ultérieurement un diagnostic d’AG, et vice-versa. Ce groupe se subdivise en trois sous-groupes de taille similaire : TDM diagnostiqué en premier lieu; AG diagnostiquée en premier lieu; diagnostics de TDM et d’AG simultanés6.
Cela pourrait tenir au chevauchement marqué des facteurs génétiques du TDM et de l’AG7, ainsi qu’à certains facteurs de risque environnementaux communs aux deux maladies. À ce chapitre, cependant, les situations de perte constituent un facteur de risque propre au TDM et les situations menaçantes, un facteur de risque propre à l’AG8.
Un diagnostic de TDM/AG concomitants est plus probable à un âge moins avancé, comparativement au TDM seul ou à l’AG seule9, 10, et est associé à un risque plus élevé de chronicité11, 12. Par exemple, au cours d’une étude de 24 mois, alors que la moitié des 267 patients traités pour un TDM étaient parvenus à la rémission à 6 mois et que la moitié des 487 patients traités pour une AG y étaient parvenus à 16 mois, moins de la moitié des sujets du groupe TDM/AG avaient atteint la rémission à la fin de l’étude13.
La présence concomitante du TDM et de l’AG peut entraîner une maladie plus chronique et une incapacité fonctionnelle plus sévère11, 12, 14, 15
On a aussi constaté que l’incapacité fonctionnelle, notamment au travail, à l'école, et dans la vie sociale ou familiale, est plus importante chez les personnes atteintes de TDM/AG concomitants, comparativement aux sujets atteints de l’une ou l’autre maladie, voire d’aucune des deux14, 15. Par ailleurs, la qualité de vie liée à la santé est davantage diminuée chez les personnes avec TDM/AG concomitants que chez celles atteintes de TDM ou d’AG seuls14.
En outre, la comorbidité TDM/AG est associée à un déficit cognitif significativement plus important, à une plus grande utilisation des ressources du système de santé, à une résistance plus marquée au traitement et à plus de difficultés dans l’exercice des activités quotidiennes15.
Le traitement antidépresseur peut améliorer le fonctionnement en présence de TDM/AG
Dans un sondage mené auprès de patients atteints d’un TDM et de médecins, les deux groupes ont cité comme objectifs prioritaires du traitement initial l’amélioration de l’humeur et le retour à une vie normale, que ce soit au travail ou sur le plan social ou familial16. « La déficience fonctionnelle est habituellement une conséquence de la dépression et de l’anxiété, mais peut aussi être à l’origine d’une amélioration seulement partielle et d’un rétablissement incomplet », affirme le Pr Fagiolini en parlant des meilleures stratégies pour faciliter le rétablissement fonctionnel.
Peu d’études ont exploré le traitement de la comorbidité TDM/AG
Dans une revue systématique et une méta-analyse en réseau (n = 18 998), 8 antidépresseurs sur 13 se sont avérés plus efficaces qu’un placebo quant à l’amélioration fonctionnelle (mesurée par l’échelle d’incapacité de Sheehan ou SDS) chez des patients atteints d’un TDM17. Cependant, même si un certain nombre d’antidépresseurs ont une efficacité avérée dans le TDM et l’AG, ils ne sont pas tous indiqués pour le traitement des deux affections18, 19.
En outre, peu d’études ont exploré le TDM et l’AG concomitants, un diagnostic mixte étant parfois défini comme un critère d’exclusion18. Selon l’analyse post hoc d’un essai comparatif randomisé, l’amélioration des symptômes dépressifs a tardé à se manifester chez les patients avec TDM/AG, comparativement aux patients avec TDM seul. Cependant, cette analyse ne comportait ni autoévaluation fonctionnelle par le patient ni évaluation d’autres paramètres rapportés par les patients20.
En terminant, à la lumière des récentes données probantes sur le traitement du TDM avec AG, le Pr Fagiolini conclut qu’il sera nécessaire de faire d’autres études prospectives comportant l’évaluation des résultats fonctionnels pour cerner les options thérapeutiques permettant une prise en charge optimale des patients atteints de TDM/AG concomitants.
Ce symposium satellite a été financé par une subvention à l’éducation de Lundbeck A/S.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.