L’avenir du traitement de la schizophrénie: modulation présynaptique de la dopamine et plus encore

La schizophrénie se caractérise principalement par un dysfonctionnement dopaminergique; toutefois, d’autres déséquilibres neurochimiques sont impliqués dans la psychose et peuvent être particulièrement marqués en présence d’une schizophrénie résistante aux modulateurs dopaminergiques. Lors d’un webinaire éducatif intitulé Improving the Lives of Patients with Schizophrenia, offert par le Neuroscience Education Institute (NEI), le Dr Jonathan Meyer, professeur de clinique, University of California San Diego School of Medicine, a examiné l’évolution de notre compréhension de la neurobiologie complexe de la schizophrénie et s’est penché sur les traitements novateurs qui influent sur les voies de signalisation dopaminergique présynaptique.

Dysfonctionnement dopaminergique et hypothèse mésolimbique

Parmi les traitements médicamenteux pour la schizophrénie, les agents qui ciblent directement le dysfonctionnement dopaminergique caractérisant la psychose occupent une place prépondérante1,2. En effet, les symptômes positifs de la schizophrénie sont associés à une signalisation dopaminergique excessive dans la voie mésolimbique1,2. Le blocage des récepteurs dopaminergiques D2 dans cette région du cerveau peut atténuer les symptômes de psychose; toutefois, le blocage des récepteurs D2 peut également avoir des effets hors-cible périphériques et centraux, notamment l’inhibition de la libération de prolactine dans la voie hypothalamo-hypophysaire et la stimulation des neurones épineux dans la voie nigrostriée qui peut induire un parkinsonisme1,3

Les antagonistes des récepteurs D2 standard peuvent atténuer les symptômes positifs de la schizophrénie, mais ils pourraient être associés à des effets hors-cible indésirables

Au-delà de la dopamine: le rôle d’autres déséquilibres neurochimiques

Bien que la schizophrénie soit couramment associée à un dysfonctionnement dopaminergique, d’autres déséquilibres neurochimiques jouent un rôle dans la physiopathologie de la maladie, notamment un hypofonctionnement glutamatergique. Il a été démontré que les modulateurs de la signalisation glutamatergique dans le striatum atténuent les symptômes positifs et négatifs dans la schizophrénie résistante aux modulateurs des récepteurs dopaminergiques D24.

Des traitements novateurs ciblant le système glutamatergique sont en développement

Des données probantes plaident en faveur d’un lien génétique entre des polymorphismes influant sur le fonctionnement des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) et un risque accru de schizophrénie5; en outre, un hypofonctionnement des récepteurs NMDA a été associé à la psychose6.

Finalement, un dysfonctionnement sérotoninergique impliquant les récepteurs 5HT2A et 5HT1A dans le cortex préfrontal a été lié à des perturbations de la cognition, de l’humeur, de la perception de la réalité et de la réponse aux stresseurs chez des patients atteints de schizophrénie2,7.

Selon un modèle plus récent de la schizophrénie, les altérations de ces voies de neurotransmission sont interreliées et pourraient conduire à une suractivité dopaminergique présynaptique1. D’un point de vue pharmacologique, conclut le Dr Meyer, cela semble indiquer que l’on pourrait réduire la suractivité dopaminergique présynaptique par des voies indirectes, sans recourir à des antagonistes non sélectifs des récepteurs D2.

Les voies conduisant indirectement à une suractivité dopaminergique présynaptique constituent des cibles potentielles du traitement médicamenteux de la schizophrénie

Agonisme des récepteurs muscariniques: nouveau mode d’action antipsychotique présynaptique

Plusieurs sources de données probantes mettent en évidence une plus faible densité corticale de récepteurs muscariniques M1 en présence de schizophrénie, ce qui est associé à un dysfonctionnement cognitif et à des symptômes négatifs plus sévères2. De plus, les neurones du striatum qui libèrent de la dopamine présynaptique possèdent des autorécepteurs muscariniques M4 inhibiteurs. Par conséquent, la stimulation des récepteurs M4 pourrait réduire la libération de dopamine dans le striatum et atténuer la signalisation dopaminergique présynaptique. Ainsi, les agonistes des récepteurs muscariniques représentent une stratégie prometteuse pour le traitement des symptômes négatifs de la schizophrénie, lesquels répondent mal aux antipsychotiques anti-D2 standard. Il a été démontré que les agonistes des récepteurs M1/M4 améliorent la cognition et les symptômes de la schizophrénie2; toutefois, même si ces agents (à la différence des antagonistes des récepteurs D2) ne causent pas d’effets indésirables moteurs et endocriniens, leur utilité est limitée étant donné la fréquence assez élevée d’effets indésirables périphériques, en particulier d’effets gastro-intestinaux, associés à l’agonisme des récepteurs M18.

Il a été démontré que les agonistes muscariniques ont des effets prometteurs sur les symptômes positifs, négatifs et cognitifs de la schizophrénie.

Le blocage des effets périphériques des agonistes des récepteurs muscariniques M1 pourrait permettre de remédier aux effets indésirables limitant l’utilisation de cette classe de médicaments9. Le Dr Meyer a décrit des études ayant objectivé des résultats prometteurs quant à l’efficacité et au profil d’innocuité/de tolérabilité de nouveaux agonistes des récepteurs muscariniques M1/M4 administrés en association avec un antagoniste des récepteurs muscariniques périphériques M1 chez des patients aux prises avec la schizophrénie9,10.

Modulation des récepteurs NMDA: inhibiteurs du GlyT1

Selon l’hypothèse glutamatergique de la psychose, un hypofonctionnement des récepteurs NMDA et une hyperactivité glutamatergique seraient associés à des symptômes positifs, négatifs et cognitifs de schizophrénie, lesquels résulteraient en partie de l’interaction avec des neurones dopaminergiques dans la voie mésocorticale2. Le récepteur NMDA compte trois sous-unités, dont deux comportent un site de fixation de la glycine. La glycine est un acide aminé qui pénètre faiblement dans le système nerveux central, mais il est possible de stimuler le site de fixation de la glycine sur le récepteur NMDA en inhibant le recaptage du transporteur-1 de la glycine (GlyT1)11,12. Plusieurs inhibiteurs du GlyT1 font l’objet de travaux visant à déterminer leur potentiel pour le traitement spécifique des symptômes cognitifs de schizophrénie11,12.

L’inhibition du transporteur-1 de la glycine est une stratégie novatrice fondée sur l’hypothèse glutamatergique et visant à améliorer les symptômes cognitifs de la schizophrénie

En conclusion, le Dr Meyer a fait valoir que plusieurs agents novateurs se trouvent actuellement à divers stades de développement et sont de bon augure pour l’avenir du traitement de la schizophrénie. Certains de ces agents agissent sur la dopamine présynaptique et pourraient permettre d’améliorer plusieurs types de symptômes sans induire les effets indésirables périphériques ou centraux associés au blocage des récepteurs D2. «Ces nouvelles stratégies sont porteuses d’espoir, parce qu’elles agissent au niveau présynaptique – là où nous cherchons depuis longtemps à intervenir – et sont dotées de modes d’action qui n’entraînent pas les effets moteurs ou endocriniens associés au blocage des récepteurs D2.»

Our correspondent’s highlights from the symposium are meant as a fair representation of the scientific content presented. The views and opinions expressed on this page do not necessarily reflect those of Lundbeck.

Références

  1. McCutcheon RA et al. Trends Neurosci 2019;42(3):205-20.
  2. Kondej M et al. Int J Molec Sci 2018;19:3105.
  3. Peuskens J et al. CNS Drugs 2014;28:421-53.
  4. McQueen G et al. Schizophr Bull 2021;47(3):662-71.
  5. Javitt DC et al. Schizophr Bull 2012;38(5):958-66.
  6. Balu DT. Adv Pharmacol 2016;76:351-82.
  7. Kim SA. Cureus 2021;13(6):e15811.
  8. Shekhar A et al. Am J Psychiatry 2008;165:1033-9.
  9. Brannan SK et al. N Engl J Med 2021;384:717-26.
  10. Kaul I et al. Lancet 2024;403(10422):160-70.
  11. Schmidt RW & Thompson ML. Ment Health Clin [Internet] 2016;6(6):266-76.
  12. Kantrowitz JT & Javitt DC. Clin Schizophr Relat Psychoses 2010;4(3):189-200.