Le fardeau de la migraine va bien au-delà de la douleur

La céphalée est manifestement un symptôme clé de la migraine, mais les symptômes autres que la douleur, dont le dysfonctionnement cognitif, contribuent étroitement au fardeau et à l’incapacité liés à la migraine. L’imagerie fonctionnelle du cerveau approfondit notre compréhension des substrats neuronaux et de la chronologie de cette maladie complexe1,2. Cela dit, la complexité et le fardeau ont aussi des aspects non neurologiques, car la stigmatisation et l’autoculpabilisation découlent d’un conditionnement social.

Lors d’un entretien au Sommet mondial de la migraine de 2023 sur les aspects de la migraine autres que la douleur, la Dre Nazia Karsan (clinicienne et chercheure titulaire d’une bourse postdoctorale, King’s College Hospital, Londres, R.-U.) s’est concentrée sur le dysfonctionnement cognitif associé aux phrases prodromique et postdromique de la migraine3.

Le dysfonctionnement cognitif généralisé peut être présent avant, durant et après une crise migraineuse

Pour de nombreux patients, l’incapacité de se concentrer et même les difficultés à lire, à écrire et à parler – sans oublier la somnolence – alourdissent énormément le fardeau de la migraine, à plus forte raison quand ils interfèrent avec les études ou le travail, précise la Dre Karsan. De tels symptômes non douloureux étant présents à la fois durant le prodrome et la récupération4, un épisode migraineux peut durer jusqu’à 4 jours.

L'incapacité présente avant et après la céphalée contribue largement à la morbidité. Et ces éléments importants d’une maladie hétérogène sont parfois difficiles à expliquer aux amis, à la famille et aux collègues de travail, fait remarquer la Dre Karsan.

Les « facteurs déclenchants » pourraient refléter les anomalies fonctionnelles déjà présentes

La migraine est un trouble du cerveau, et le cerveau contrôle de nombreux aspects du fonctionnement de l’organisme : nous ne devrions donc pas nous étonner que le vaste éventail de symptômes connexes reflète un dysfonctionnement généralisé.

Au nombre des autres symptômes importants de la migraine – autres que la douleur –figurent notamment l’irritabilité, les sautes d’humeur, la raideur de la nuque, les hypersensibilités sensorielles comme la photophobie, et les comportements alimentaires anormaux comme l’omission de repas ou les envies irrésistibles de fromage ou de chocolat.

Par le passé, des phénomènes tels que ceux-là étaient considérés comme de possibles facteurs déclenchants de la migraine, mais ils pourraient en fait être les symptômes d’un dysfonctionnement cérébral déjà présent5, poursuit la Dre Karsan. Si tel est le cas – et ces expériences sont en fait des changements cérébraux prémonitoires –, il pourrait être inutile d’essayer d’éviter une lumière intense ou certains aliments, par exemple, pour prévenir un épisode migraineux complet.

Durant la phase qui précède la céphalée, le cerveau fonctionne déjà anormalement

L’imagerie du cerveau confirme l’expérience des patients

À en juger par les études d’imagerie réalisées en présence de crises migraineuses spontanées ou de crises migraineuses déclenchées par une perfusion de nitroglycérine, les régions du cerveau dysfonctionnelles seraient bien corrélées avec l’expérience du patient durant la phase prémonitoire.

Le cortex cingulaire, qui intervient dans l’humeur et la cognition, est mis en évidence dans les clichés d’imagerie par résonance magnétique (IRM) durant le prodrome et la phase aiguë; les régions de la protubérance annulaire et du bulbe rachidien participent à la douleur.

La céphalée aiguë est le principal symptôme de la migraine, mais nous devons aussi nous pencher sur les autres aspects de la migraine si nous aspirons à traiter et à casser un épisode plus efficacement, enchaîne la Dre Karsan. Des essais cliniques qui avaient pour objectif d’étudier les effets des anti-CGRP sur divers symptômes incapacitants et le retour à la capacité fonctionnelle ont donné des résultats prometteurs.

Nous devons songer à intervenir avant que le processus ne dégénère en douleur, et reconnaître que la disparition de la céphalée ne témoigne pas forcément d’un « retour à la normale ». Cette réalité est massivement méconnue, explique la Dre Karsan.

Les préjugés contribuent aussi au fardeau

Ce ne sont pas seulement les symptômes de la migraine qui constituent un fardeau. Les préjugés y sont aussi pour quelque chose. La morbidité de la migraine a de nombreuses causes, de neurologiques à sociales.

Peut-être parce que les symptômes de la migraine sont invisibles et peut-être parce qu’aucun examen de laboratoire ne permet d’en confirmer l’existence, d’aucuns considèrent que les personnes aux prises avec la migraine pourraient exagérer leurs souffrances, possiblement pour en tirer certains avantages, affirme le Dr Robert Shapiro, University of Vermont College of Medicine, Burlington, É.-U.

Les employeurs, en particulier, pourraient ne pas considérer la migraine comme une maladie grave

Les préjugés associés à la maladie pourraient provenir de la famille et des amis, des collègues de travail et de l’employeur, des professionnels de la santé et même des patients eux-mêmes, a précisé le Dr Shapiro lors d’un entretien au Sommet mondial de la migraine. Un tel environnement social pourrait empêcher les personnes aux prises avec la migraine d’avoir des vies pleines et productives.

Fait important à souligner, les personnes aux prises avec cette maladie pourraient ainsi être portées à cacher leurs symptômes et à ne pas chercher un traitement efficace. Les préjugés exercent donc un effet direct sur la morbidité physique associée à la migraine en plus d’imposer un fardeau psychologiques inutile.

Sur une note plus positive, le Dr Shapiro espère que d’ici une dizaine d’années, nous aurons des biomarqueurs – peut-être même des examens d’imagerie fonctionnelle – qui permettront d’objectiver un diagnostic de migraine. D’ici là, il est important de poursuivre nos efforts pour éduquer le corps médical et le grand public quant aux réalités auxquelles font face les personnes aux prises avec la migraine.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

1. Karsan N, et al. Front Neurol. 2020;11:140

2. Karsan N, et al. Cephalalgia. 2018; 38:36

3. Transcript of interview of Nazia Karsan by Lisa Horwitz, Migraine World Summit 2023.

4 Karsan N, et al. Cephalalgia 2021;41:721-30.

5. Karsan N, et al. J Neurol. 2021;268.1885-93.

6. Transcript of interview of Robert Shapiro by Kellie Pokrifka, Migraine World Summit 2023.