La migraine est associée à des modifications structurales et fonctionnelles du cerveau que l’on attribue à l’activité anormale de circuits cérébraux, en particulier à une hyperexcitabilité neuronale1,2. Il ressort de nombreuses études que le « cerveau migraineux » présente une neuroplasticité accrue – réorganisation ou modifications –, laquelle est d’autant plus marquée que les crises migraineuses sont intenses et fréquentes. Au nombre de ces modifications figure un épaississement cortical dans certaines régions cérébrales impliquées dans la nociception, lequel résulterait de l’exposition répétée à la douleur durant les crises migraineuses1,3. Un groupe de chercheurs de la Harvard Medical School a voulu savoir si la réponse au traitement par un anticorps monoclonal anti-CGRP (peptide relié au gène de la calcitonine) chez des patients migraineux se traduisait par une diminution de l’épaississement cortical grâce à une exposition moindre à la douleur associée aux crises migraineuses.
Mesure de l’épaisseur corticale et de la connectivité fonctionnelle
Afin de vérifier l’hypothèse d’un amincissement cortical plus prononcé chez les répondeurs à un anticorps monoclonal (AcM) anti-CGRP que chez les non-répondeurs, des chercheurs ont mené une étude d’observation prospective en mode ouvert auprès d’une cohorte de 36 adultes atteints de migraine chronique ou de migraine épisodique de fréquence élevée1. Après 3 mois de traitement par un AcM anti-CGRP, les participants ont été classés en deux catégories : répondeurs (réduction ≥ 50 % du nombre de jours avec migraine par mois [JMM]) et non-répondeurs (réduction < 50 % du nombre de JMM). L’activité structurale et fonctionnelle du cerveau avant et après le traitement a été mesurée par imagerie par résonance magnétique (IRM).
L’IRM permet de visualiser la variation de l’épaisseur corticale, utilisée comme marqueur de la neuroplasticité
Un traitement efficace de la migraine est associé à une diminution de l’épaisseur corticale
Comme on s’y attendait, à 3 mois, par rapport aux valeurs initiales, l’épaisseur corticale avait diminué de manière statistiquement significative chez les répondeurs au traitement anti-CGRP1. Un amincissement cortical étendu a été observé dans le cortex sensorimoteur, le gyrus supramarginal, le cortex préfrontal et le cortex cingulaire antérieur. Ces régions du cerveau interviennent dans la cognition, la modulation de la douleur et le traitement des émotions. Par contraste, chez les non-répondeurs à l’AcM anti-CGRP, l’amincissement cortical observé se limitait au cortex préfrontal gauche (associé à des fonctions cognitives supérieures).
On a observé un amincissement cortical plus important chez les répondeurs au traitement anti-CGRP que chez les non-répondeurs
Modification de la connectivité fonctionnelle
Les chercheurs ont aussi voulu savoir si les changements structuraux associés à une réponse au traitement avaient un impact sur la connectivité fonctionnelle entre les différentes régions du cerveau. À cette fin, des examens par imagerie fonctionnelle, type particulier d’IRM, ont été effectués avant et après le traitement. Chez les répondeurs à l’AcM anti-CRGP, on a observé une diminution des connexions fonctionnelles entre le cortex occipital, le cortex temporal et le cortex cingulaire, tous trois impliqués dans le traitement de l’information visuelle et sensorielle. Par contraste, la connectivité fonctionnelle chez les non-répondeurs au traitement est restée inchangée.
Chez les répondeurs au traitement anti-CGRP, on a observé une diminution de la connectivité fonctionnelle dans le cortex sensorimoteur de différentes régions cérébrales
Les modifications structurales et fonctionnelles du cortex évoquent un rétablissement
La diminution de l’épaisseur corticale et de la connectivité fonctionnelle chez les répondeurs au traitement par un AcM anti-CGRP semblent indiquer que le « cerveau migraineux » peut se remettre d’une activité neuronale anormale dans les régions corticales intervenant dans la cognition et le traitement de l’information visuelle, sensorielle et nociceptive. En conclusion, ajoute Mme Szabo, le traitement et la prévention efficaces de la migraine « donnent un répit » au cerveau, qui peut ainsi se rétablir des conséquences de l’hyperexcitabilité neuronale et des signaux nociceptifs accompagnant les crises migraineuses. Elle avance qu’un traitement à long terme pourrait permettre de normaliser la structure et la fonction corticales, mais prévient que cela reste à démontrer dans le cadre d’études cliniques.
Une réponse prolongée au traitement pourrait permettre au « cerveau migraineux » de récupérer
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.