Lors d’un symposium du 8e Congrès de la European Academy of Neurology, qui s’est tenu à Vienne du 24 au 28 juin 2022, la Pre Dawn Buse (département de neurologie, Albert Einstein College of Medicine, New York, É.-U.), le Pr Uwe Reuter (Hôpital universitaire Charité, Berlin, Allemagne) et la Pre Simona Sacco (Université de L’Aquila, Italie) ont examiné l’impact du nombre de jours avec migraine par mois non seulement sur le fardeau de symptômes et d’incapacité les jours où sévit une crise migraineuse, mais également sur le « fardeau interictal » au quotidien, c’est-à-dire entre les crises. Pour mieux évaluer et prendre en charge à la fois les symptômes et le fardeau global de la migraine, le professionnel de la santé doit entretenir un dialogue ouvert avec le patient; à cet effet, la technique « demander-dire-demander » peut être utile. La pharmacothérapie préventive, notamment par un anticorps monoclonal contre le peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP), peut réduire la sévérité des crises et le nombre de jours avec migraine et, donc, alléger également le fardeau interictal.
L’étude OVERCOME, vaste enquête observationnelle (N = 21 143) menée aux É.-U., a révélé que chez la personne aux prises avec la migraine, l’incapacité, l’éventail de symptômes migraineux et la sévérité des céphalées augmentent parallèlement au nombre de jours avec céphalée1,2. Vivre avec la migraine peut entraîner une baisse de la productivité au travail, notamment à cause de l’absentéisme et des jours travaillés avec une capacité moindre à s’acquitter de ses tâches3-5. En outre, on a signalé que la migraine influe sur la participation aux activités familiales6 et la décision d’avoir un enfant7. La migraine impose également un fardeau financier lié au coût des soins de santé8.
Le fardeau interictal se définit comme l’impact de la maladie au-delà des jours où le patient éprouve des symptômes migraineux
Au-delà des jours avec migraine, la maladie peut continuer d’imposer un fardeau au patient, souligne la Pre Buse. Ce « fardeau interictal » (FI) peut être évalué au moyen de l’échelle MIBS-4 (Migraine Interictal Burden Scale), outil-questionnaire visant à estimer le retentissement des céphalées sur le travail/les études; la planification et la pratique d’activités sociales/de loisirs; la vie en général; et le sentiment d’impuissance9. Dans le cadre de l’étude OVERCOME, cet outil a objectivé un FI chez 78 % des répondants, et 50 % d’entre eux l’ont estimé sévère10. Le FI peut inclure l’anxiété et l’évitement des aspects de la vie quotidienne pouvant déclencher une céphalée11.
Ces résultats montrent que « l’impact du FI sur la qualité de vie (QdV) liée à la migraine est considérable », fait valoir la Pre Buse.
Optimiser le diagnostic et le traitement
Au chapitre de la prévention de la migraine, souligne le Pr Reuter, il faut garder à l’esprit que le patient peut se sentir mal à l’aise de parler des effets de son traitement actuel et/ou du fardeau que lui inflige la migraine. Le professionnel de la santé (PS) doit bâtir une relation de confiance et entretenir un dialogue ouvert avec le patient, recommande le Pr Reuter, de façon à préciser le diagnostic, à optimiser la QdV et à élaborer un plan de prise en charge efficace.
Lors des échanges avec le patient, ajoute le Pr Reuter, il importe aussi de formuler en termes clairs ce que l’on sait des médicaments préventifs et d’expliquer comment ils peuvent réduire la fréquence des céphalées et améliorer la QdV12. Suivant la technique de communication « demander-dire-demander », le PS demande d’abord au patient de décrire le problème dans ses propres mots; puis, le PS fournit au patient les informations pertinentes sur le diagnostic et le traitement; finalement, afin de s’assurer que le patient a bien compris, le PS lui demande de reformuler l’information dans ses propres mots9.
La prise en charge du patient appelle une analyse précise des symptômes et du fardeau interictal
Dans le cadre de l’American Migraine Communication Study, on a constaté que cette technique de communication et le recours à des questions ouvertes permettaient au PS de mieux évaluer la fréquence des crises migraineuses et le fardeau interictal; conduisaient à des échanges plus fréquents sur les stratégies de traitement, ponctuel ou préventif; et donnaient lieu à une consultation plus satisfaisante aux yeux du patient comme du PS9,13.
Prise en charge du fardeau interictal au moyen d’un anticorps monoclonal contre le peptide relié au gène de la calcitonine (AcM anti-CGRP)
L’étude OVERCOME a révélé que, même parmi les répondants aux prises avec ≥ 15 jours avec céphalée par mois (JCM), certains n’avaient pas cherché à obtenir des soins; par ailleurs, 81,6 % des personnes qui avaient de 4 à 7 JCM et 71,1 % de celles vivant avec ≥ 15 JCM ne prenaient aucun médicament à des fins préventives, même si la plupart d’entre elles répondaient aux critères d’admissibilité à un tel traitement1.
L’utilisation d’un AcM anti-CGRP à des fins préventives a fait l’objet de différents travaux. Fait important, non seulement certaines études ont-elles révélé un impact direct sur la fréquence des douleurs sévères lors d’une crise migraineuse14, mais on a également observé des effets sur la QdV globale, y compris le fardeau interictal. Par exemple, lors d’un essai clinique, le recours à un AcM anti-CGRP a été associé à une baisse significative du score MIDAS (Migraine Disability Assessment Questionnaire) à 4-6 mois comparativement aux valeurs initiales15. En outre, dans le cadre de l’étude OVERCOME, 79,2 % de tous les répondants sous AcM anti-CGRP et 74,6 % de ceux qui avaient ≥ 15 JCM ont eu un meilleur score PGI-I (Patient Global Impression of Improvement), comparativement aux valeurs initiales16.
La pharmacothérapie préventive peut contribuer à alléger les symptômes et le fardeau interictal
De plus, une étude en situation réelle a montré que le traitement par un AcM anti-CGRP influe favorablement sur les résultats rapportés par les patients17, et une autre étude a révélé qu’il réduit l’impact des céphalées sur la QdV14. Par ailleurs, on a observé que les AcM anti-CGRP peuvent conduire à une amélioration de la productivité au travail, résultant notamment d’une baisse de l’absentéisme et de l’incapacité lors des jours travaillés18.
Cela dit, certaines personnes ne répondent pas aux AcM anti-CGRP : lors d’une étude, un taux de réponse inférieur à 50 % a été relevé chez environ 47 % des patients avec migraine chronique ou épisodique19, et lors d’une autre étude, chez environ 37 % des patients20. Toutefois, précise la Pre Sacco, ces résultats reposent sur l’évolution du nombre de jours avec migraine par mois (JMM), et certains facteurs pouvant produire des taux différents, tel le fardeau résiduel, n’ont pas été évalués.
La non-réponse au traitement est un problème important, comme en témoignent les résultats du sondage My Migraine Voice (N = 11 266, JMM ≥ 4), mené à l’échelle internationale auprès de personnes n’ayant pas répondu à au moins 1 traitement préventif. Parmi les répondants, 80 % avaient dû renoncer à des activités, 52 % ont signalé que la migraine nuisait à leur capacité cognitive, 50 % disaient manquer d’énergie, et 43 % se sentaient désespérés ou impuissants21.
Lorsqu’une personne dit ne pas avoir été soulagée par un médicament préventif, c’est peut-être parce qu’elle le prend depuis trop peu de temps, avance le Pr Reuter. Dans le cadre de l’étude OVERCOME, près d’un tiers des répondants sous traitement préventif prenaient le médicament depuis moins de 3 mois22, « ce qui est insuffisant, prévient-il, pour obtenir une amélioration significative. »
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.