La bonne combinaison d’interventions thérapeutiques et de la modification des habitudes de vie ne permet pas nécessairement de supprimer les crises migraineuses, mais peut en réduire la fréquence. Les personnes en proie à un épisode migraineux ne doivent pas se faire de reproches : la migraine est une maladie neurologique complexe, et les habitudes de vie ne sont qu’un facteur parmi tant d’autres. Au chapitre des médicaments préventifs, un vaste arsenal d’agents offre de réelles possibilités de personnalisation du traitement, et les dispositifs de neuromodulation fournissent une option additionnelle.
L’objectif est de vivre et non de s’empêcher de vivre. Il faut chercher à progresser, sans viser la perfection. Voilà les deux grands principes que la Dre Lauren Natbony, Integrated Headache Medicine of New York, É.-U., encourage ses patients à garder à l’esprit lorsqu’ils s’efforcent de mettre en pratique des conseils d’efficacité démontrée pour modifier leurs habitudes de vie, dans l’optique d’une prise en charge globale de la migraine.
L’objectif est de vivre et non de s’empêcher de vivre; de progresser, sans viser la perfection.
Le « cerveau migraineux » aime la constance et n’apprécie pas les transitions abruptes, mais les personnes vivant avec la migraine ne devraient pas renoncer au plaisir de sortir ni craindre de rompre leur routine quotidienne, a affirmé la Dre Natbony lors une entrevue qu’elle a accordée à Wendy Bohmfalk, porte-parole de la communauté migraineuse, durant le Migraine World Summit 20231.
Il faut faire une place à la spontanéité, sans qu’il en résulte d’anxiété. La migraine est une maladie qui isole, et le soutien social est une ressource précieuse.
Progresser petit à petit vers ses objectifs
La Dre Natbony a formulé des conseils plus précis, qu’elle a présentés à l’aide de l’acronyme mnémonique SEEDS2.
Sommeil (Sleep) – Se réveiller environ à la même heure chaque jour, le plus naturellement possible. Adopter un rituel du coucher apaisant (p ex. prendre une douche ou lire) – qui favorise la détente afin de préparer le cerveau à dormir sans transition abrupte. Éviter les écrans au moins une heure avant d’aller dormir et veiller à ce que la chambre à coucher soit sombre, fraîche et confortable.
Alimentation (Eat) – Manger quelque chose de 30 à 60 minutes après s’être levé, idéalement des aliments renfermant des protéines et peu de sucre. Privilégier les aliments à grains entiers et limiter la consommation de produits transformés. En général, il ne s’agit pas d’éliminer certains aliments, mais de rehausser la qualité et la régularité de l’alimentation. Manger toutes les 3 ou 4 heures; veiller à la stabilité de la glycémie; et ne pas sauter de repas. Bien s’hydrater. La consommation de caféine peut être utile, mais doit être uniforme, et ne pas dépasser 200 mg de caféine par jour.
Quand il est question de migraine, l’alimentation et les déclencheurs alimentaires sont les sujets dont on parle le plus, mais à propos desquels on a le moins de données probantes, souligne la DreNatbony.
Activité physique (Exercise) – Faire de l’exercice est une bonne façon de commencer la journée. Démarrer doucement et augmenter peu à peu l’intensité de l’activité. Tout programme d’exercice doit être personnalisé; pour en constater les bienfaits, il faut le suivre pendant au moins 8 à 12 semaines.
Journal (Diary) – Tenir un journal sommaire peut être utile, mais l’effort investi ne doit pas en soi devenir source de stress.
Stress (Stress) – À ce chapitre, il se s’agit pas tant d’éviter le stress, mais de bien le gérer. La gestion du stress peut prendre des formes multiples : méditation, pleine conscience, exercices, biorétroaction, tricot, zoothérapie, etc. Ce sont tous des moyens utiles pour gérer son stress. L’important, estime la Dre Natbony, est de choisir une activité qui vous plaît – vous permettant de vous détacher de vos préoccupations et de vos pensées – et de la pratiquer régulièrement.
Les conseils sur les habitudes de vie n’impliquent ni faute ni blâme
En prodiguant ces conseils, insiste la Dre Natbony, il importe de ne pas blâmer le patient pour la survenue de crises migraineuses ou lui en attribuer la faute. La migraine est une maladie neurologique complexe.
Dans un entretien3 avec Elizabeth DeStefano, experte en migraine et rédactrice au site Web Migraine Again, la Dre Deborah Friedman, University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas, É.-U., a dit souscrire à l’opinion selon laquelle l’importance des déclencheurs, p. ex. certains aliments, est souvent surestimée.
Si un patient est sensible à un déclencheur, l’évitement de ce déclencheur et l’anxiété d’anticipation ne doivent pas dominer sa vie, déclare la Dre Friedman. Parfois, l’association d’un déclencheur, p. ex. la consommation d’un aliment particulier, et d’un épisode migraineux est fortuite ou résulte d’une anomalie prodromique de la fonction cérébrale, ajoute-t-elle.
L’évitement de déclencheurs potentiels et l’anxiété d’anticipation ne doivent pas dominer la vie du patient.
Sous-utilisation des traitements médicamenteux préventifs
Toutefois, la Dre Friedman a surtout mis l’accent sur l’arsenal médicamenteux pour prévenir la migraine. Elle préconise d’envisager un traitement préventif dans les circonstances suivantes :
- le patient a plus de 4 jours avec migraine par mois – essentiellement, une crise ou plus par semaine;
- les médicaments ponctuels ne soulagent pas les crises adéquatement;
- le patient est atteint de migraine hémiplégique ou de migraine avec aura du tronc cérébral, auquel cas le recours à un traitement préventif est pratiquement systématique, quelle que soit la fréquence des crises.
Les préférences du patient doivent aussi être prises en compte – en matière de prévention, le point de vue du patient compte pour beaucoup dans la prise de décisions. Certaines personnes ayant moins de 4 jours avec migraine par mois veulent prendre un médicament préventif – que ce soit en raison d’une incapacité sévère, des obligations dont elles doivent s’acquitter, ou parce qu’elles veulent réduire la fréquence des crises.
Nouveaux agents spécialement conçus pour une utilisation préventive
Compte tenu de ce qui précède, estime la Dre Friedman, les stratégies préventives sont largement sous-utilisées. Dans certaines études, même si plus de 40 % des patients répondaient aux critères d’admissibilité à un traitement de prévention, moins de 15 % d’entre eux recevaient un médicament préventif. Ces résultats pourraient indiquer que les médecins ayant le réflexe de proposer un traitement préventif sont moins accessibles ou encore, que les patients sont réticents à l’idée d’opter pour un traitement préventif.
De l’avis de la Dre Friedman, le patient sera moins réticent s’il est informé des avantages des multiples options préventives actuelles – notamment de nouveaux agents spécialement conçus pour cibler le CGRP – que l’on peut adapter à ses besoins individuels.
Si la personne ne souhaite pas prendre de médicaments additionnels, par exemple parce qu’elle est enceinte, on pourra envisager un dispositif de neuromodulation, dont le coût peut toutefois être prohibitif, ajoute la Dre Friedman
Les faits saillants du Migraine World Summit rapportés par notre correspondant se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.