Le 20 octobre 2023, à Vancouver, lors du congrès annuel de l’Association des psychiatres du Canada (APC), les auteurs principaux de l’édition 2023 du guide de pratique clinique du Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) pour la prise en charge du trouble dépressif majeur (TDM) ont dévoilé un aperçu de la nouvelle version tant attendue. Les principales mises à jour ont été présentées dans le cadre d’une séance de 60 minutes devant une salle bondée de participants, dont un grand nombre ont dû rester debout.
L’édition 2023 du guide de pratique clinique du CANMAT pour la prise en charge du TDM, importante mise à jour du guide de 2016, reflète l’imposant corpus de littérature des 8 dernières années. De fait, les auteurs ont répertorié plus de 700 études publiées entre 2015 et mai 2023, couvrant un vaste éventail de sujets pertinents pour la prise en charge de la dépression clinique. Comme l’a souligné le Dr Raymond Lam, l’un des auteurs principaux du guide de 2023, de nouvelles données probantes émergent à un rythme si accéléré que, pour le clinicien, rester à jour relève de l’impossible.
Le guide de pratique aide le clinicien à rester informé du corpus de littérature en rapide expansion
Le niveau de preuve des données cliniques et des traitements recommandés en 1re, 2e ou 3e intention est défini selon la même méthode que dans la version de 2016. Si le guide du CANMAT est utilisé dans le monde entier, c’est notamment parce qu’il renferme non seulement des données probantes, mais également des recommandations cliniques reposant sur un consensus d’experts. Cet aspect pratique aide à traduire la portée des données probantes dans la pratique clinique réelle.
Comme sa version antérieure, le guide 2023 du CANMAT est présenté sous forme conviviale de questions et réponses couvrant le parcours du patient depuis le dépistage et le diagnostic du TDM jusqu’à la sélection et à l’optimisation du traitement.
Comme sa version antérieure, le guide 2023 du CANMAT se présente sous forme conviviale de questions et réponses
Recommandations pour le traitement initial du TDM
La Dre Lena Quilty a passé en revue les recommandations pour le choix du traitement initial du TDM chez l’adulte. Les recommandations quant aux traitements psychologiques de 1re intention sont inchangées par rapport à 2016; cependant, quelques options ont été ajoutées aux traitements de 2e et de 3e intention, notamment la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCBPC), la psychothérapie psychodynamique de courte durée et le traitement transdiagnostique des troubles émotionnels (2e intention), ainsi que la thérapie métacognitive (3e intention).
En ce qui concerne les traitements médicamenteux, 16 agents sont maintenant recommandés pour le traitement de 1re intention du TDM chez l’adulte; les médicaments sélectionnés sont étayés par le plus haut niveau de preuve d’efficacité et d’innocuité.
De nouvelles modalités de traitement psychologique, notamment les interventions numériques, pourraient être accessibles à une plus vaste population de patients atteints d’un TDM
La sélection du traitement initial peut être personnalisée en fonction de la sévérité de la dépression et de la situation clinique. Pour un TDM léger, on choisira entre un traitement de 1re intention psychologique ou médicamenteux selon les préférences du patient, les traitements disponibles et d’autres facteurs comme le coût. Pour un TDM modéré, le choix d’une stratégie de préférence à l’autre n’est pas suffisamment étayé, et il faudra mener des recherches plus poussées pour optimiser le choix entre traitement psychologique et traitement médicamenteux de 1re intention. Pour un TDM sévère, il est préférable d’amorcer un traitement antidépresseur, auquel on pourra envisager d’associer la psychothérapie suivant une approche simultanée ou séquentielle.
Les médicaments offrant le meilleur rapport efficacité/innocuité sont recommandés comme agents de 1re intention
Suivi du traitement
Dans son guide 2023, le CANMAT continue de préconiser le traitement paramétrique. Il existe plusieurs échelles d’évaluation validées, et selon la Dre Camelia Adams, quel(le) que soit l’échelle ou l’instrument de mesure utilisé (p. ex. PHQ-9, échelle de dépression de Beck, etc.), il importe d’y avoir recours à intervalles réguliers et, avec le patient, d’examiner le score afin de prendre des décisions collaboratives quant aux prochaines étapes du plan de traitement. Qui plus est, les échelles d’évaluation ne remplacent pas l’examen clinique, et une combinaison de ces deux éléments est idéale pour surveiller les progrès du patient et/ou son rétablissement.
Le traitement paramétrique en santé mentale peut être vu comme l’équivalent des épreuves de laboratoire en santé physique
Au-delà du traitement initial : prochaines étapes
Le Dr André Do a passé en revue les stratégies de maintien de la rémission et de prévention de la récidive d’un épisode dépressif majeur. La littérature existante porte essentiellement sur le traitement médicamenteux d’entretien, mais de nouvelles données probantes viennent appuyer un modèle de traitement séquentiel. Cette approche prévoit l’ajout d’un traitement psychologique ou le remplacement du traitement médicamenteux par un traitement psychologique une fois la rémission obtenue.
Une approche séquentielle dans le traitement d’entretien peut réduire le risque de récidive, favoriser le mieux-être du patient et aider à cibler les symptômes résiduels
Cela dit, les stratégies de traitement médicamenteux d’entretien continuent d’évoluer. Chez le patient qui parvient à la rémission, le CANMAT recommande à présent de poursuivre le traitement médicamenteux jusqu’à 12 mois, comparativement à 6 à 9 mois en 2016. Si le patient présente des facteurs de risque de récidive, le traitement doit se poursuivre pendant au moins 2 ans, et beaucoup de patients peuvent avoir besoin d'un traitement plus long.
Parmi les principaux facteurs de risque de récurrence et de récidive du TDM figurent : antécédents de maltraitance durant l’enfance, symptômes résiduels, nombreux épisodes antérieurs, et anxiété concomitante
Le Dr Sidney Kennedy a abordé les problèmes cliniques que pose un TDM difficile à traiter et ne répondant pas adéquatement à un traitement initial. Dans un premier temps, il importe de réexaminer le diagnostic, d’évaluer l’observance et de rechercher la présence d’une maladie concomitante pouvant faire obstacle au rétablissement clinique. Dans un 2e temps, on peut tenter d’optimiser la dose du médicament sélectionné, mais si les résultats escomptés se font attendre, l’heure est peut-être venue de changer de médicament ou d'ajouter un traitement d'appoint. Le Dr Kennedy souligne que les antidépresseurs ne sont pas les seuls traitements d’appoint possibles – d’autres classes de médicaments, notamment les antipsychotiques atypiques, les stimulants et les thymorégulateurs, sont aussi d’une efficacité démontrée comme traitement d’appoint, bien que le niveau de preuve diffère d’une classe à l’autre.
On observe une transition vers le recours plus précoce à un traitement d’appoint de préférence à de multiples monothérapies séquentielles
La version actualisée du guide (en anglais) est en voie d’être finalisée et devrait paraître dans la Revue canadienne de psychiatrie au début de 2024.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.