Rétablissement fonctionnel du cerveau après une crise migraineuse

Lors d’une séance plénière du 16e Congrès européen sur la céphalée, qui a eu lieu du 7 au 10 décembre 2022 à Vienne, en Autriche, le Pr Rami Burstein, Harvard Medical School, Boston, États-Unis, a présenté de nouvelles données sur les effets des traitements contre la crise migraineuse au-delà de leur effet sur la douleur. Ses recherches ont montré que si les AcM anti-CGRP sont connus pour agir en périphérie, ils pourraient aussi exercer un effet central et ainsi rétablir les fonctions cérébrales altérées par une exposition fréquente et prolongée aux céphalées migraineuses.

Effets sur les symptômes prodromiques et les déclencheurs

Le Pr Burstein a présenté les résultats préliminaires d’une étude qui visait à déterminer les effets des anticorps monoclonaux (AcM) dirigés contre le peptide relié au gène de la calcitonine (anti-CGRP) sur les symptômes prodromiques et les déclencheurs d’une crise de migraine. Tous les participants recevaient un traitement préventif par un AcM anti-CGRP et tenaient un journal quotidien sur leurs céphalées. Après 4 mois, seuls les répondeurs – c.-à-d. les patients chez qui le nombre de jours avec céphalée ou migraine par mois [JCM/JMM] avait diminué de > 50 % – ont poursuivi le traitement et ont été suivis pendant au plus 12 mois.

Chez les super-répondeurs, c.-à-d. les patients dont le nombre de JCM/JMM avait diminué de > 90 %, les déclencheurs et  les symptômes prodromiques  – dits aussi signes précurseurs, avant-coureurs ou annonciateurs – étaient suivis d’une céphalée après 3 mois, mais pas après 6 à 8 mois; après 12 mois, ils ne survenaient plus du tout. 

Cette disparition des symptômes prodromiques avec le temps donne à penser qu’en réduisant le nombre de céphalées (c.-à-d. les influx nociceptifs relayés vers le cerveau), voire en éliminant les céphalées complètement pendant une période suffisamment longue, les AcM anti-CGRP pourraient  rétablir la responsivité normale des neurones du cortex, de l’hypothalamus et du tronc cérébral impliqués dans la génération des symptômes prodromiques et de nombreux déclencheurs de la migraine.

Les AcM anti-CGRP pourraient rétablir la responsivité normale des neurones du cortex, de l’hypothalamus et du tronc cérébral impliqués dans la génération des symptômes prodromiques et de nombreux déclencheurs de la migraine.

De l’avis du Pr Burstein, les différences d’intensité entre les influx nociceptifs relayés vers les neurones qui régissent différents symptômes prodromiques et déclencheurs pourraient expliquer que la diminution du nombre de céphalées ait plus d’effet sur certains symptômes que sur d’autres. Les symptômes prodromiques et les déclencheurs touchant les neurones hypothalamiques semblent hautement affectés par la diminution des signaux nociceptifs. Inversement, les céphalées associées aux déclencheurs et aux symptômes prodromiques non affectés par la diminution du nombre de céphalées pourraient être plus difficiles à traiter.

Si les AcM anti-CGRP pouvaient franchir la barrière hémato-encéphalique, atteindre les neurones impliqués dans la génération des symptômes prodromiques et l’apparition des crises migraineuses, et modifier les propriétés physiologiques de ces neurones, la réduction observée de l’incidence des symptômes prodromiques et des déclencheurs inévitables d’une crise migraineuse ne devrait pas être liée à la diminution du nombre de céphalées, ce qui va à l’encontre des résultats, dit-il.

« Dans un contexte de prévention de la migraine, l’action la plus importante des AcM anti-CGRP est de convertir le cerveau migraineux en cerveau non migraineux » – Pr Rami Burstein, Boston, É.-U.

Rétablissemement du cerveau non migraineux

Le Pr Burstein y est allé de l’hypothèse suivante : les effets sur les symptômes prodromiques et les déclencheurs ont été observés uniquement chez les répondeurs et les super répondeurs, ce qui semble indiquer que cette action est secondaire à l’élimination des céphalées. Cela pourrait être l’explication la plus importante du mécanisme par lequel les AcM anti-CGRP préviennent les crises de migraine : ils ne bloqueraient pas les neurones périphériques, mais permettraient de convertir le cerveau migraineux en cerveau non migraineux, dit-il.

De plus, les résultats de l’étude donnent tout lieu de croire que le succès ou l’échec d’un traitement préventif de la migraine par les AcM anti-CGRP ne devrait pas être évalué après seulement 3 mois1. En l’absence d’effets indésirables ou de réactions au point d’injection, on devrait administrer un AcM anti-CGRP pendant au moins 1 an avant de déterminer s’il est efficace ou non, car le rétablissement fonctionnel du du cerveau continue de s’améliorer, conclut-il.

On devrait administrer un AcM anti-CGRP pendant au moins 1 an avant de déterminer s’il est efficace ou non, car sa capacité à rétablir le fonctionnement du cerveau continue de s’améliorer.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

  1. Sacco S, et al. J Headache Pain 2022;23:67.