Taux salivaire de peptide relié au gène de la calcitonine : biomarqueur potentiel dans la migraine

Chez le patient aux prises avec la migraine, le taux de peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP) est élevé entre les crises et fluctue durant la crise migraineuse. Le taux de CGRP peut être mesuré dans la salive et, de ce fait, pourrait servir de biomarqueur de la migraine et permettre de prédire la réponse au traitement par un anticorps monoclonal (AcM) anti-CGRP. Lors de l’International Headache Congress (IHC) 2023, la Pre Patricia Pozo-Rosich, cheffe de section du service de neurologie, hôpital universitaire Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne, a présenté les travaux de son équipe sur le taux salivaire de CGRP chez des personnes atteintes de migraine épisodique ou de migraine chronique. Bien que des travaux similaires aient déjà été réalisés, c’est l’une des rares études à mesurer le taux de CGRP de manière longitudinale (pendant 30 jours) et 3 mois avant/après l’administration d’un AcM anti CGRP. Ces études ont permis de confirmer que le taux salivaire basal de CGRP est élevé chez la personne atteinte de migraine et que ce taux est corrélé avec la fréquence des crises. En outre, les résultats ont montré que même si le taux de CGRP varie habituellement au cours du cycle de la migraine, environ 20 % des crises sont « non CGRP-dépendantes ». Par ailleurs, un taux basal de CGRP élevé annonçait une meilleure réponse aux AcM anti-CGRP. Chez les patients présentant des symptômes dépressifs, le taux de CGRP augmentait davantage et différenciait la migraine épisodique de la migraine chronique. Il a été démontré que le taux salivaire de CGRP salivaire est un moyen faisable et reproductible de mesurer le taux de ce neuropeptide chez le patient aux prises avec la migraine.

Peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP) et migraine

Le CGRP, vasodilatateur puissant, est un neuropeptide largement distribué dans les systèmes nerveux central et périphérique1. Le taux de CGRP peut varier durant une crise migraineuse2,3, et est souvent élevé même entre les crises4,5. Le taux de CGRP peut être prédictif de la réponse au traitement : par exemple, un taux basal de CGRP élevé est associé à une meilleure réponse au traitement par la toxine botulinique6.

Le taux basal de CGRP peut être prédictif de la réponse à un traitement préventif de la migraine6,8

La Pre Pozo-Rosich a présenté les travaux de son équipe à l’unité des céphalées de l’hôpital universitaire Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne, lesquels ont fait l’objet de deux articles récents – ci-après « étude 1 » et « étude 2 » – dont la première auteure est la Dre Alicia Alpuente7,8. Ces études ont été menées chez des femmes de 18 à 35 ans atteintes de migraine épisodique (MÉ; étude 1, n = 22; étude 2, n = 27)7,8 ou de migraine chronique (MC; étude 2, n = 16)8 n’ayant jamais reçu de traitement préventif, et chez des témoins sains (TS; étude 1, n = 22; étude 2, n = 27). Sur le plan démographique, les groupes étaient comparables7,8. Les chercheurs ont choisi de mesurer le taux de CGRP dans la salive en raison de la proximité entre les glandes salivaires et le nerf trijumeau ainsi qu’en raison d’études ayant déjà objectivé des taux mesurables de CGRP dans la salive3,9,10.

L’objectif principal de l’étude 1 était de surveiller le profil temporel du taux salivaire de CGRP lors d’une crise et entre les crises pendant 30 jours; des échantillons étaient recueillis quotidiennement ainsi que pendant et après la période de la céphalée7. Parmi les objectifs secondaires figuraient : évaluation du taux salivaire de CGRP comme biomarqueur diagnostique de la migraine7,8 et de la salive comme liquide organique permettant la mesure du CGRP7; analyse de la variation du taux salivaire de CGRP avant et après le traitement par un anticorps monoclonal (AcM) anti-CGRP; et évaluation du taux salivaire basal de CGRP comme prédicteur de la réponse à un AcM anti-CGRP8

Résultats de l’étude 1

La Pre Pozo-Rosich souligne que le taux salivaire moyen de CGRP entre les crises était significativement plus élevé dans les groupes de patientes migraineuses que dans le groupe TS. Une comparaison par paires a révélé que, par rapport au taux initial, le taux de CGRP augmentait de manière significative au début d’une céphalée (p ≤ 0,001); le taux baissait significativement 2 heures après le début de la céphalée (p ≤ 0,01) et revenait à sa valeur interictale 8 heures après le début de la céphalée. Fait digne de mention, les taux moyens absolus de CGRP se chevauchaient entre les différentes périodes7. Cependant, souligne la Pre Pozo-Rosich, le taux de CGRP n’augmentait pas de manière significative dans 20 % des crises migraineuses. Les crises non CGRP dépendantes étaient associées à une incidence significativement plus faible de photophobie (p = 0,024), de phonophobie (p = 0,036) et d’étourdissements (p = 0,047)7

Les symptômes migraineux peuvent être CGRP-dépendants ou CGRP-indépendants

Le recours à un anti-inflammatoire non stéroïdien ou à un triptan entraînait généralement une évolution similaire du taux de CGRP; cependant, 8 heures après le début d’une céphalée, le taux de CGRP augmentait pour atteindre une valeur comparable au taux observé au début de la céphalée7.

Résultats de l’étude 2

Globalement, le taux basal moyen de CGRP était significativement plus élevé dans les groupes MÉ et MC que dans le groupe TS (p < 0,05). Les résultats ont objectivé qu’au départ, le taux salivaire dépassait 104 pg/mL chez 72,1 % des patientes migraineuses, comparativement à seulement 7,4 % des TS. Selon la Pre Pozo-Rosich, cette valeur-seuil du taux salivaire de CGRP pourrait être utilisée comme biomarqueur de la migraine. Après avoir reçu un AcM anti-CGRP, les patientes ont été stratifiées selon leur réponse : 41,7 % des patientes répondaient au traitement [réduction ≥ 50 % du nombre de jours avec céphalée par mois (RR)] et 58,3 % n’y répondaient pas (< 50 % RR). Chez les personnes atteintes de MÉ, mais non chez celles atteintes de MC, le taux salivaire basal de CGRP et l’interaction de cette variable avec la fréquence initiale des céphalées étaient prédictifs de la réponse au traitement8.

Le taux salivaire de CGRP diffère en présence de migraine et de symptômes dépressifs concomitants 

L’étude 2 regroupait des patientes présentant des symptômes dépressifs parce qu’il a été démontré que la survenue de tels symptômes augmente parallèlement à la fréquence des crises migraineuses11. Par ailleurs, les taux de CGRP diffèrent dans les modèles animaux de dépression12. Chez les participantes atteints de MÉ ou de MC dont les crises étaient fréquentes, les chercheurs ont observé qu’un taux salivaire basal moyen de CGRP élevé était associé à la survenue de symptômes dépressifs (p = 0,030) ainsi qu’à l’âge de la patiente (p < 0,001), à une fréquence élevée de céphalées (p = 0,002), et au duo fréquence des céphalées/survenue de symptômes dépressifs (p = 0,007)8. Chez les participantes avec symptômes dépressifs, le taux de CGRP était significativement plus élevé dans le groupe MC que dans les groupes MÉ et TS. Compte tenu des différences quant au taux de CGRP après le traitement dans le groupe présentant des symptômes dépressifs, la Pre Pozo-Rosich a proposé que « chez les patients ayant des symptômes dépressifs, il faudrait prolonger le traitement de plusieurs mois pour obtenir un taux de CGRP comparable ». 

Conclusions

La Pre Pozo-Rosich fait valoir que même s’il a déjà été démontré que le taux de CGRP varie au cours d’une crise migraineuse2,3, ces études ont permis d’analyser ces fluctuations de manière longitudinale7,8. « Le recours au taux salivaire de CGRP pourrait possiblement nous aider à tirer parti de la médecine personnalisée dans la prise en charge de la migraine », propose-t-elle. Dans l’ensemble, conclut la Pre Pozo-Rosich, les méthodes de collecte et d’analyse utilisées dans ces études constituent « un moyen facile et non invasif de surveiller le taux de CGRP »7,8.

Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.

Références

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  2. Sarchielli P, et al. Nitric oxide metabolites, prostaglandins and trigeminal vasoactive peptides in internal jugular vein blood during spontaneous migraine attacks. Cephalalgia 2000;20:907−18.
  3. Bellamy JL, et al. Salivary levels of CGRP and VIP in rhinosinusitis and migraine patients. Headache 2006;46:24−33.
  4. Ashina M, et al. Evidence for increased plasma levels of calcitonin gene-related peptide in migraine outside of attacks. Pain 2000;86:133−8.
  5. Jang MU, et al. Plasma and saliva levels of nerve growth factor and neuropeptides in chronic migraine patients. Oral Dis 2011;17:187−93.
  6. Cernuda-Morollón E, et al. CGRP and VIP levels as predictors of efficacy of Onabotulinumtoxin type A in chronic migraine. Headache 2014;54:987−95.
  7. Alpuente A, et al. Salivary CGRP can monitor the different migraine phases: CGRP (in)dependent attacks. Cephalalgia 2022;42:186−96.
  8. Alpuente A, et al. Salivary CGRP and erenumab treatment tesponse: Towards precision medicine in migraine. Ann Neurol 2022;92:846−59.
  9. Nagano T, Takeyama M. Enhancement of salivary secretion and neuropeptide (substance P, alpha-calcitonin gene-related peptide) levels in saliva by chronic anethole trithione treatment. J Pharm Pharmacol 2001;53:1697−702.
  10. Fischer HP, et al. A possible role for saliva as a diagnostic fluid in patients with chronic pain. Semin Arthritis Rheum 1998;27:348−59.
  11. Ruscheweyh R, et al. Correlation of headache frequency and psychosocial impairment in migraine: a cross-sectional study. Headache 2014;54:861−71.
  12. Angelucci F, et al. CGRP in a gene-environment interaction model for depression: effects of antidepressant treatment. Acta Neuropsychiatr 2019;31:93−9.