Le 5 mai 2023, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a décrété que la pandémie de COVID-19 n’était plus une urgence sanitaire mondiale1. Cela dit, de nouvelles données épidémiologiques évoquent un risque élevé de certains troubles psychiatriques et neurologiques répandus qui persisterait jusqu’à 2 ans après un épisode de COVID-19. Durant une plénière sur la neuropsychiatrie de la COVID-19, le Dr Paul Harrison, Département de psychiatrie, University of Oxford, Angleterre, a présenté quelques-uns des résultats étonnants d’une recherche épidémiologique sur la trajectoire du risque neuropsychiatrique chez les enfants et les adultes qui avaient contracté une infection par le SRAS-CoV-2, le virus à l’origine de la COVID-19, durant la pandémie.
COVID-19 et apparition de troubles mentaux
Officiellement, la pandémie est peut-être terminée, mais de nombreuses personnes sont toujours aux prises avec des complications touchant le cerveau et la santé mentale. D’autres coronavirus ont été associés à des séquelles neurologiques et psychiatriques et, au début de la pandémie, on a fait état de l’apparition de troubles psychiatriques parfois sévères chez des personnes qui n’avaient pas d’antécédents neuropsychiatriques. Vu l’apparent lien temporel entre ces troubles et l’épisode de COVID-19, d’aucuns craignaient un possible tsunami de problèmes de santé mentale postpandémiques qui viendraient alourdir un système de santé mentale déjà très chargé.
D’aucuns craignaient un possible tsunami de problèmes de santé mentale postpandémiques
Le groupe de recherche sous la direction du Dr Harrison a eu recours aux dossiers électroniques et aux mégadonnées d’environ 90 millions de personnes soignées dans le réseau TriNetX Analytics, lequel regroupe 60 organisations de soins de santé majoritairement situées aux États-Unis. Les nouveaux cas de COVID-19 ont été désignés à l’aide des codes diagnostiques de la CIM-10, et ont été appariés sur le score de propension avec des personnes chez qui une autre infection respiratoire avait été diagnostiquée durant la même période. Plusieurs publications découlant du travail de ce groupe ont déjà fait état de liens entre un épisode de COVID-19 et le diagnostic de troubles neurologiques et psychiatriques au cours des 6 mois subséquents2-4. Durant la plénière, le Dr Harrison a présenté une mise à jour des données à 2 ans et des analyses de sous-groupe selon l’âge.
Le risque de troubles psychiatriques et neurologiques fréquents a augmenté de 30 % chez les adultes
Durant les 3 à 6 premiers mois suivant l’épisode de COVID-19, les chercheurs ont observé une augmentation de 30 % du risque de troubles psychiatriques et neurologiques fréquents chez les adultes comparativement à des patients aux prises avec la grippe ou une autre infection respiratoire. Le risque était maximal chez les personnes hospitalisées pour une infection par le SRAS-CoV-2, mais il était généralement élevé dans l’ensemble de la population ayant contracté la COVID-19. Fait digne de mention, 1 personne atteinte de COVID-19 sur 8 a reçu un premier diagnostic de maladie neuropsychiatrique au cours des 6 mois suivant l’infection.
1 personne atteinte de COVID-19 sur 8 a reçu un premier diagnostic de maladie neuropsychiatrique au cours des 6 mois suivant l’infection
La trajectoire du risque n’est pas la même chez les enfants et les adultes
Dans la mise à jour de l’analyse à 2 ans, le rapport des risques instantanés (RRI) à 6 mois de nombreux troubles neurologiques et psychiatriques – tels l’anxiété, les troubles de l’humeur, le « brouillard mental », la démence, l’AVC et les troubles psychotiques – était élevé chez les adultes ayant contracté la COVID-19. Les enfants étaient plus à risque de certains troubles neuropsychiatriques graves, notamment les troubles convulsifs, les déficits cognitifs et les troubles psychotiques, ce qui semble indiquer que les troubles neuropsychiatriques pourraient avoir différentes causes selon l’âge.
Le profil de risque n’est pas le même chez les adultes et les enfants
La persistance du risque élevé est un enjeu important sur lequel le groupe du Dr Harrison souhaitait se pencher. À l’aide d’une analyse en fonction du temps, les chercheurs ont constaté que le risque de trouble de l’humeur ou de trouble anxieux augmentait temporairement pendant la période suivant immédiatement l’infection, mais qu’il chutait rapidement, le retour aux valeurs de départ se faisant au plus tard à 43 jours. Le Dr Harrison a émis l’hypothèse voulant qu’au début de la pandémie, les craintes suscitées par l’isolement, la perte d’un emploi ou le risque de décès d’une infection par le virus SRAS-CoV-2 pourraient avoir déclenché l’apparition d’un trouble de l’humeur ou d’un trouble anxieux chez les personnes déjà vulnérables à ces troubles de santé mentale.
Le risque immédiat de trouble de l’humeur ou de trouble anxieux disparaît rapidement
En revanche, le risque de trouble psychotique ou cognitif augmentait durant la période suivant immédiatement l’infection par le SRAS-CoV-2 et diminuait graduellement au fil du temps, mais demeurait élevé pendant une période pouvant atteindre 2 ans après un épisode de COVID-19, ce qui donne à penser qu’un mécanisme biologique sous-jacent pourrait être en cause.
Le risque de psychose persistait pendant une période pouvant atteindre 2 ans après un épisode de COVID-19
Mécanismes qui pourraient sous-tendre la persistance du risque neuropsychiatrique
L’atteinte directe du cerveau par l’infection virale et les réactions inflammatoires qui en découlent pourraient être l’explication la plus simple du lien entre la COVID-19 et les troubles neuropsychiatriques. Cela dit, des facteurs auto-immuns, microvasculaires et psychosociaux pourraient aussi être en cause. Les chercheurs ont été étonnés d’observer que les personnes prenant de la phénytoïne, thymorégulateur et antiépileptique, étaient moins exposées au risque de complications neurologiques, dont le brouillard mental. Une étude en cours porte sur les marqueurs IRM des marqueurs neurobiologiques qui pourraient aider à élucider les mécanismes du lien entre la COVID-19 et les troubles neuropsychiatriques.
Les faits saillants du symposium rapportés par notre correspondant se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.