Pendant près de 30 ans, les triptans ont été les seuls agents médicamenteux ciblant spécifiquement la migraine. Cette exclusivité a changé le jour où la Food & Drug Administration (États-Unis) a homologué le premier inhibiteur du peptide relié au gène de la calcitonine (anti-CGRP) en 20181.
Cinq ans plus tard : Le Dr David Dodick, expert reconnu de la Mayo Clinic dans le domaine des céphalées, a fait une revue fort éclairée des avancées ainsi que du profil d’efficacité et d’innocuité des anti-CGRP dans le cadre de l’assemblée scientifique annuelle de 2023 de la Société Canadienne de la douleur (CPS), qui se tenait à Banff, en Alberta.
Comment les anti-CGRP agissent-ils?
Le CGRP, peptide présent dans tous les nerfs sensitifs de l’organisme, joue un rôle central dans le mécanisme de l’épisode migraineux. L’activation des afférences sensitives trigéminales entraîne la libération de CGRP, ce qui entraîne une dilatation des vaisseaux sanguins, une inflammation neurogène et, au bout du compte, une céphalée2.
« Le CGRP – le vasodilatateur le plus puissant de l’organisme – intervient dans diverses réactions physiologiques, tant pathologiques que restauratrices. »
Les anti-CGRP perturbent ce processus en bloquant les récepteurs du CGRP, tant en périphérie où ils ciblent les fibres A-delta aux nœuds de Ranvier, qu’au niveau central, où ils agissent sur l’hypothalamus3,4.
« L’hypothalamus est important, car il serait souvent, croit-on, le point de départ de l’épisode migraineux », souligne le Dr Dodick. Des études d’imagerie étayant cette théorie montrent l’activation de l’hypothalamus durant le prodrome de l’épisode migraineux. » Fait intéressant, on a observé une désactivation au niveau de l’hypothalamus chez les patients qui répondaient aux anti-CGRP5.
Les anti-CGRP agissent à la fois sur le système nerveux périphérique et le système nerveux central.
Dans quelle mesure les anti-CGRP sont-ils efficaces?
« [En date d’aujourd’hui], la FDA a homologué huit anti-CGRP, dont quatre anticorps monoclonaux et quatre gépants. Le taux de réponse aux anti-CGRP avoisine 50 % (entre 40 % et 62 %) chez les patients aux prises avec une migraine épisodique, et un peu moins chez les patients aux prises avec une migraine chronique », explique le Dr Dodick.
« À en juger par les résultats de divers essais cliniques, la moitié des patients répondent aux anti-CGRP. »
Bien qu’ils aient des taux de réponse semblables à ceux des antiépileptiques de deuxième génération utilisés dans le traitement de la migraine, les anti-CGRP ont des effets indésirables mieux tolérés6. Selon une vaste revue systématique et méta-analyse de 13 essais qui regroupaient 7557 patients, la probabilité d’un effet bénéfique du traitement était 19,2 fois plus élevée chez les patients recevant un anticorps monoclonal anti-CGRP que chez ceux recevant un antiépileptique de deuxième génération 6. De plus, dans le cas des anti-CGRP, l’action est plus rapide et l’arrêt du traitement pour cause d’effets indésirables est moins probable7.
Bien que les anti-CGRP soient efficaces, ils n’infléchissent pas le cours de la maladie. Cela dit, le tiers des patients qui ne répondent pas à un anti-CGRP en particulier pourraient tout de même répondre à un autre anti-CGRP8.
« La probabilité de poursuite du traitement par un anti-CGRP est plus élevée parce que les patients ne mettent pas fin à leur traitement à cause d’effets indésirables. En outre, plus le traitement dure longtemps, plus il gagne en efficacité avec le temps. »
Qui répondra bien aux anti-CGRP?
Il est essentiel de cerner les patients susceptibles de répondre aux anti-CGRP, surtout parmi les femmes aptes à procréer. Les prédicteurs positifs d’une réponse sont notamment l’allodynie durant la crise, la sensibilité/l’hypersensibilité, la migraine épisodique avec épisodes peu fréquents, la douleur unilatérale, les symptômes autonomes et l’élévation du taux de CGRP salivaire9–12.
En revanche, on pourrait s’attendre à une moins bonne réponse dans les cas suivants : trouble psychiatrique concomitant, migraine chronique associée à un abus médicamenteux, échec de multiples médicaments préventifs, obésité et allodynie entre les crises9–12.
Dans quelle mesure les anti-CGRP sont-ils sûrs?
Lorsque le premier anti-CGRP a été homologué en 2018, la constipation et les réactions au point d’injection étaient les seuls effets indésirables signalés dans la monographie américaine approuvée par la FDA. D’autres effets indésirables se sont toutefois ajoutés au cours des cinq dernières années.
Ces effets indésirables sont les suivants : hypersensibilité, constipation sévère, hypertension, phénomène de Raynaud, alopécie, possible perturbation de la cicatrisation, et possible exacerbation des maladies auto-immunes11,13. Les cliniciens doivent être à l’affût de ces effets indésirables nouvellement répertoriés chez les patients recevant un anti-CGRP.
Traitement de la migraine : Que nous réserve l’avenir?
Le Dr Dodick envisage l’avenir avec optimisme en raison de la découverte de nouvelles cibles neuronales dans le traitement de la migraine, dont le récepteur PAR2 (protease-activated receptor 2) et le PACAP (pituitary adenylate cyclase-activating peptide), qui font actuellement l’objet d’essais cliniques de phase II.
Dans l’ensemble, nous voyons poindre à l’horizon de nouvelles possibilités fort intéressantes dans le traitement de la migraine.
Les faits saillants du symposium rapportés par nos correspondants se veulent une représentation juste du contenu scientifique présenté. Les opinions et les points de vue exprimés sur cette page ne reflètent pas forcément ceux de Lundbeck.